Huit canots de sauvetage

Un pot-pourri de solutions prêtes à l'emploi

Parfois, mener une partie est pétillant et drôle. Quand tout est prêt, que vous êtes bien dans l’humeur du moment, que vous savez ce qui va se passer. Que vous pouvez vous plonger dans la partie, présenter simplement aux joueurs les conséquences de leurs actions et vous concentrer sur votre interprétation des PNJ et sur la construction d’une intrigue divertissante. C’est ce que la pratique de maître de jeu peut vous offrir de meilleur.

Parfois, mener une partie est un défi qui stimule votre intelligence. Vous devez réagir en un instant, mais vous connaissez les personnages, l’univers de jeu, les PNJ et comment ils réagiront. Vous laissez les joueurs explorer sans restriction des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent, [car vous êtes] confiant dans votre capacité à réagir de manière adéquate et à mener une partie agréable pour tous. C’est ce que la pratique de maître de jeu peut vous offrir de plus gratifiant.

Et puis, il y a les autres fois. Quand vous n’êtes pas sûr de vous, quand vous n’avez pas confiance et que les joueurs vous ont complètement pris par surprise. Vous avez gâché la préparation de votre scénario ou vous n’avez pas eu le temps de le préparer correctement. Les PNJ doivent être créés à la volée et ne sont rien de plus qu’une liste de chiffres ; et de toute façon le personnage ne semble pas coller. Les joueurs attendent de vous une histoire, et vous n’avez absolument aucune idée. C’est ce que la pratique de MJ peut vous offrir de plus effrayant.

Chacun de ces aspects est un vaste sujet et je n’ai aucune intention de démarrer une longue série d’articles alors que j’en ai déjà tant en route. Mais pour le billet de cette semaine je voudrais proposer au moins un ou deux conseils rapides sur comment résoudre ces problèmes, des mini-solutions qui vous permettraient au moins de tenir jusqu’à la fin de la séance. À terme, chacune pourrait être en soi l’objet d’un article de blog, mais pour l’instant attachez vos ceintures, ça risque de secouer un peu…

Faire face à l’incertitude

Quand un MJ ne sait pas quoi faire, il y a deux solutions vraiment bonnes.

Soyez honnête

La première est d’être honnête avec vos joueurs : “J’ai eu une sorte d’idée folle, et je ne suis pas sûr de la façon dont ça va se passer, mais j’espère que ça sera amusant. Et si ça part en vrille, les choses seront revenues en place à la prochaine séance”.

Une fois, j’ai maîtrisé une partie dans laquelle la magie avait scindé la personnalité d’un PJ en plusieurs morceaux distincts (le joueur ne pouvait être là ce jour-là, ce que je ne savais pas à l’avance). Cette magie incontrôlée s’était saisie de ce tourbillon mental et s’était manifestée en un petit “donjon” qui était une métaphore de son trouble psychologique. Chacun de ces fragments de personnalité était représenté par un des autres PJ, qui devait vaincre des monstres spontanément issus du subconscient, et amasser le “trésor”, c’est-à-dire le ciment qui devait recoller la personnalité fracturée. Le but était de récupérer un certain nombre de pièces d’or. J’avais cumulé les métaphores, souvent sur plusieurs niveaux.

Ce qui a rendu la séance amusante était que la quantité de trésor nécessaire était bien plus important que ce que j’avais disséminé dans le donjon – environ deux fois moins, en fait – mais les joueurs supposaient que j’étais vicieux et qu’il y avait en fait assez de trésors cachés pour répondre à leurs besoins, s’ils étaient assez malins pour les trouver. Ils firent briller leur créativité, dépouillant les monstres morts pour récupérer leurs cornes et leurs fourrures de valeur, creusant dans un mur à l’aspect brillant pour y trouver des gemmes, récupérant toutes les pièces de métal qui traînaient pour vérifier si elles n’étaient pas seulement plaquées de vil métal, et ainsi de suite. J’accordais une valeur raisonnable pour chaque nouvelle trouvaille, mais il n’y en avait jamais assez. Jusqu’à ce qu’un des joueurs ait l’idée brillante de créer un titre de propriété du donjon, et de placer un panneau “À vendre aux enchères” devant.

Le symbolisme était trop beau pour être ignoré : j’ai fait apparaître le PJ du joueur absent, lui ait fait gagner la vente et réclamer tout le butin que les autres personnages avaient ramassé, reformant son esprit dans le processus. La séance suivante a débuté exactement là où celle d’avant avait fini, mais, au lieu que les joueurs guident des avatars d’eux-mêmes, ils “sentirent” quelque chose déchirer l’intégrité de leur personnalité et “sentirent” l’esprit de leur ami se briser et s’éparpiller sous l’assaut magique, pour ensuite (tout aussi rapidement), “sentir” tout revenir comme avant. Ce fut un jour très satisfaisant pour tous.

Cela n’avait marché que parce que j’avais mis les joueurs dans le bon état d’esprit pour commencer – en leur disant que c’était une mini-aventure expérimentale, qu’elle pouvait ne pas fonctionner mais qu’alors cela n’aurait pas de répercussions à long terme pour eux, et qu'il s'agissait d'une séquence onirique.

Mentez comme un arracheur de dents

L’approche alternative est de bluffer outrageusement – “Tout se passe selon mon plan, et tout s’expliquera à la fin”. Ensuite écoutez les joueurs essayer de donner du sens à ce que vous avez bricolé et laissez-les vous guider jusqu’à une solution crédible. Leurs explications des événements peuvent ne pas être ce que vous aviez à l’esprit, mais elles se tiendront – et N+1 (le nombre de joueurs plus le MJ) cerveaux concentrés à trouver une solution seront généralement meilleurs qu’un seul cerveau dans son coin. Mais vous devrez être convaincant car c’est votre confiance apparente qui les encouragera à chercher la solution.

Surmontez votre manque de confiance en vous

La confiance n’est pas un statut uniforme qui s’applique de façon égale à tous les activités derrière l’écran du MJ. Un individu peut être sûr d’un certain côté de son travail et se trouver mal à l’aise dans un autre domaine. Ce problème est le plus souvent l’apanage des débutants mais le doute, s'il ne frappe pas à chaque fois, peut néanmoins s’insinuer chez n’importe qui, à n’importe quel moment.

Limon vert vs pouding noir

Je vous propose deux types de conseils pour faire face à ce problème – un pour les MJ expérimentés et un pour les débutants.

Solution pour débutants

Les meneurs de jeu débutant derrière l’écran ont souvent raison de ressentir un peu d’appréhension, tout spécialement s’ils ont affaire à des joueurs expérimentés. Ne vous laissez pas effrayer. Mener une partie n’est pas si difficile. Que peut-il vous arriver de pire ?

Ma première expérience derrière l’écran (un one-shot d’essai) fut un désastre total. Les joueurs avaient tous 10 ans ou plus d’expérience de jeu, et certains en tant que MJ. En moins de deux, ils traversèrent mon scénario sans aucune difficulté.

AD&D avait ce monstre appelé “limon vert” qui transformait toute matière organique qu’il touchait en… limon vert, à moins que la victime ne réussisse un jet de sauvegarde. J’avais décidé que les habitants de mon monde avaient domestiqué certains monstres, une approche que je trouve encore raisonnable aujourd’hui. Un des joueurs demanda si le limon vert était utilisé comme recycleur d’ordures ménagères et, après un moment de réflexion, j’ai répondu que oui. Les PJ ont immédiatement acheté autant de bocaux de verre (utilisés pour les potions) qu’ils pouvaient et les ont remplis avec une dose de limon vert, avec beaucoup de précautions.

Chaque fois qu’ils rencontraient un monstre dans le donjon, ils balançaient une de leurs petites armes de destruction massive dans sa direction et chargeaient. Généralement, ils touchaient leur cible et, soit ils transformaient l’ennemi en limon vert (qu’ils détruisaient facilement avec des torches), soit ils détournaient son attention assez longtemps pour pouvoir placer quelques coups bien sentis, transformant en proies faciles des monstres qui auraient dû ne faire qu’une bouchée du groupe.

J’étais déjà nerveux car c’était ma première tentative comme MJ et cette expérience ne favorisa pas du tout ma confiance en moi. Mais je m’en suis accommodé, et j’ai fait en sorte que les monstres les plus intelligents utilisent la même tactique contre le groupe, en lançant sur les PJ des jarres d’argile pleines d’un monstre similaire (un “pouding noir”). Cela se termina par un match nul. Les PJ firent retraite car ils arrivaient à court de points de vie. Ils avaient épuisé leur maigre stock de sorts de soins et devaient s’entraîner pour monter au niveau suivant. Après coup, certains joueurs me dirent que cela avait été la partie la plus distrayante qu’ils avaient jouée depuis des années.

Comment m’en suis-je sorti ? J’ai joué un rôle.

J’ai pris une grande inspiration et j’ai commencé à jouer le rôle d’un MJ qui avait une confiance totale en lui et qui contrôlait la situation. Jouer un rôle était quelque chose que je savais déjà faire et en quoi j'avais confiance, alors je l’ai utilisé pour simuler le reste.

Les MJ débutants vont soit faire face à des joueurs tout aussi inexpérimentés – ce qui permettra à tous d’apprendre chemin faisant –, soit avoir affaire à des joueurs expérimentés ; ceux-ci ménageront ce nouveau MJ, ou le pousseront à ses limites. C’est ce qui forme le plus rapidement, si vous pouvez vous en sortir – et les joueurs ont d’autant plus de respect pour un jeune MJ qui leur a laissé faire le pire, qui n’a pas perdu le contrôle et qui revient au combat en rendant coup pour coup.

Solution pour MJ expérimentés

  1. Demandez une pause de cinq minutes avant la partie pour “mettre vos idées en ordre de bataille”, et trouvez-vous un endroit calme et isolé.
  2. Prenez une grosse goulée d’air et expirez doucement.
  3. Prenez deux minutes pour comprendre pourquoi votre confiance vous a déserté. Faites-vous quelque chose dont vous n’avez pas l’habitude ? Essayez-vous quelque chose qui fut un désastre complet la dernière fois que vous l’avez tenté ? Ou vous faites-vous une montagne de rien ?
  4. Prenez quelques minutes pour vous rappeler votre expérience de MJ. Souvenez-vous de la dernière fois où vous avez fait une erreur super-colossale (nous en faisons tous) et de la façon dont vous vous en êtes tiré. Est-ce que cela peut être pire cette fois-ci ?
  5. Essayez d’identifier, dans ce que vous allez faire, un point [fort] en lequel vous avez confiance et appliquez-vous à mettre en œuvre celui-là. Rappelez-vous : c’est vous qui donnez le rythme !

À une autre occasion, lors de mes premières parties comme MJ, je devais contrôler un groupe important de divers monstres intelligents. Je n’avais pas confiance dans ma capacité à “changer de casquette” rapidement, et encore moins à rendre visibles les différences entre les monstres. Je ne suis pas très bon pour changer ma voix et je n’utilise pas de déguisements ou d’accessoires – pas de ce genre, du moins.

Mais je savais que j’étais capable de jouer un des monstres à la manière d'un PNJ. Alors je l'ai fait. J’en ai bien interprété un en continu durant la partie, en parlant à la première personne. J’ai fait de lui le porte-parole des autres PNJ et ne gardais que l’essentiel de ce qu’ils disaient, de leurs attitudes, leur ton de voix… Au milieu de la séance, j’ai senti que j’avais ce porte-parole bien en main, alors j’ai adopté la première personne pour un autre monstre en plus du premier. Avant la fin de la partie, j’étais capable de tous les interpréter. Ma crainte était infondée.

Quand l’imprévu vient des PJ

Il y a peu de choses qu’un joueur aime plus que de prendre le MJ de court. Il sort un brillant stratagème de son chapeau, qui est si complètement inattendu que le MJ en reste comme un rond de flanc, déstabilisé… avant de revenir en une charge furieuse. La première réaction de presque tous les MJ est de réfléchir aux raisons qui feraient échouer ce “plan brillant”, mais ce n’est jamais une réaction sage. Cela crée une situation où les joueurs ont l’impression que le MJ est contre eux et essaye de leur imposer les solutions prédigérées qu’il a bien voulu leur préparer, à un demi-doigt seulement d’un scénario complètement dirigiste. Les mots qui viennent pour décrire l’atmosphère qui en découle sont “délétère”, “sur la défensive”, “toxique”.

Comme Johnn Four le suggère dans Dites oui, mais n'y passez pas des heures ptgptb, et en lisant entre les lignes, il vaut largement mieux regarder les raisons pour lesquelles le “plan brillant” va réussir (à moins qu’il n’y ait un énorme défaut évident, bien sûr).

Le résultat est complètement différent de ce qui arrive dans le paragraphe précédent. Au lieu d'avoir l’air d’enfermer les joueurs, le MJ paraît ouvert à tout ce qu'ils peuvent proposer, sûr de sa maîtrise de l’univers de jeu et des événements qui s’y déroulent. La campagne, et le statut du MJ, gagnent immédiatement en respectabilité aux yeux des joueurs.

C’est d’autant plus facile que vous êtes bien préparé. À la différence des autres sujets de cet article, j’ai déjà bloggé au sujet des PJ qui font ce que l’on n’attend pas. Vous pouvez lire mes conseils détaillés – et l’histoire qui est derrière – dans Mes plus grosses erreurs : le labyrinthe de Magneto ptgptb, alors je ne perdrai pas de temps ni d’espace à le reprendre ici.

Préparation de partie mal engagée

Ce problème est en lien avec celui de la section précédente. Le MJ passe tout son temps à ce que les PJ atteignent le lieu X ou l‘événement Y, mais les circonstances les amènent à se détourner vers une situation alternative Z. Ces circonstances peuvent être une rencontre aléatoire, la compréhension soudaine d’un avertissement que le MJ pensait oublié, une opportunité inattendue ou même la découverte d’un avantage auquel le MJ n’avait pas pensé. Ou simplement n’avait-il pas prévu d'en avoir besoin tout de suite ? J’ai même connu une situation dans laquelle la rencontre Y s’était terminée bien plus rapidement que je ne l’avais pensé, propulsant le groupe dans la situation Z avant que je n’aie eu le temps de la préparer.

Selon l’éthique décrite précédemment, le MJ devraient laisser les PJ suivre leurs propres inclinations – bien qu’il doive aussi garder à l’esprit ce que font les ennemis quand les PJ ne viennent pas perturber leurs plans – mais ce n’est pas aussi facile à faire lorsque le MJ ne s’est pas préparé à la “situation Z”.

Ici encore il y a deux solutions : temporiser ou improviser.

Gagner du temps

C’est une approche qui ne peut pas emmener le MJ bien loin. De façon réaliste, la partie ne peut pas se terminer plus d’une demi-heure plus tôt que prévu sans que les joueurs ne veuillent poursuivre. Et le MJ ne peut pas jouer la montre beaucoup plus d’une heure sans que les joueurs ne soupçonnent qu’il est en train de temporiser. Comme un marchand qui sent l’urgence dans les besoins d’un client et pousse son avantage, ils commenceront délibérément à accélérer la cadence.

Alors à moins qu’il ne reste plus que 90 minutes avant la fin de la séance de jeu, retarder les choses n’est qu’une manœuvre dilatoire – qui doit occuper les joueurs assez longtemps pour que le MJ puisse réfléchir. Son seul vrai choix reste l’autre solution, et sa mise en œuvre du mieux qu’il peut.

La meilleure façon de retarder les choses est de jeter dans les pattes du groupe une rencontre secondaire, mais qui apparaît pertinente, pour bloquer ou gêner sa progression ; ou alors un mystère qui semble devoir être éclairci, mais qui a l’air d’être en rapport avec ce que les PJ sont en train de réaliser à ce moment-même. La clé de ces deux éléments est de leur associer un certain sens de l’à-propos. Le premier est le plus facile ; tout ce dont vous avez besoin est un ou des membres représentatifs de ceux qui sont susceptibles de résider à l’endroit où vont les PJ ; ou bien les PJ entendent par hasard une conversation indiquant que le(s) PNJ/monstre(s) veu(len)t attaquer ou bloquer cette destination ; ou encore des indices qui dévoilent que ce nouvel ennemi sait que les PJ sont dans le coin, et qu’il les pourchassent.

Des temporisations plus sophistiquées sont possibles si le MJ a pris le temps d’en préparer à l’avance et les a gardées sous le coude. Un ancien ennemi, ou un de ses lieutenants ; ou peut-être un assassin qui a été engagé par un ancien ennemi avant sa défaite finale ; ou quelque effet à retardement hérité d’une ancienne bataille. Si vous êtes MJ, arrêtez-vous cinq minutes maintenant et réfléchissez un peu à un développement ou à une rencontre, découlant du passé des PJ, que vous pourriez sortir de votre chapeau la prochaine fois que vous aurez besoin de temps. Votre campagne n’en sera que meilleure, et vous vous sentirez un peu plus en sécurité derrière l’écran.

Les retardements doivent toujours résulter naturellement et logiquement des circonstances de l’aventure. Alors si vous en mettez un en route, vous avez besoin d’avoir tout en place pour le justifier plus tard. D’où viennent ces ennemis ? S’ils savaient que les PJ étaient là, comment l’ont-ils appris ? Être prêt à répondre à ces questions fait partie du mode d’emploi de ces temporisations. Peut-être qu’un placard à balais du donjon ou de l’antre dans lequel progressent les PJ doit être redéfini en une salle avec un dispositif d’espionnage, ou un PNJ doit-il laisser échapper le nom d’une divinité qui a dénoncé les PJ, ou autre moyen.

Improviser

Quand le temps à combler ne permet pas de jouer la montre, il est souvent préférable de ne pas temporiser du tout et d’en arriver directement à cette solution. Improviser signifie essentiellement travailler sans le filet de la préparation, ou se préparer avec quelques secondes d’avance sur les PJ, et ensuite réconcilier votre contribution improvisée avec l’intrigue, une fois le tout terminé.

Quand le MJ a une compréhension suffisante de ce que les PNJ de sa campagne font de leur côté, et de la façon dont fonctionne l’univers, cela se fait de façon assez sereine.  Une partie improvisée peut ne pas être aussi raffinée qu’une séance complètement préparée, mais la vivacité et la réactivité peuvent contrebalancer cela – et on peut apprécier le frisson qu’il y a à marcher sur la corde raide, sans filet.

Mini Scénario

Si vous n’êtes pas sûr d’avoir ce degré de compréhension, il est souvent mieux d’accrocher à l’histoire un nouveau mini-scénario complètement indépendant de l’intrigue principale. Il peut apparaître et disparaître sans perturber l’histoire principale, et faire gagner du temps au MJ pour lui laisser l’occasion de se préparer pour la session suivante.

Ces mini-scénarios peuvent avoir quatre tailles :

  • Le reste de la séance ou moins
  • Deux demi-séances
  • Le reste de la séance et celle qui suit
  • S’étendre sur plusieurs sessions

Les mini-scénarios qui durent “le reste de la session ou moins” peuvent avoir besoin d’être retardés par une petite manœuvre dilatoire (comme expliqué ci-dessus) pour remplir complètement la session de jeu – mais maintenant vous avez une seconde intrigue pour connecter cette temporisation et conserver votre scénario principal hors de cette voie alternative. Ce type de mini-scénario suivra une structure simple en trois actes : 1 - un incident/découverte impliquant des PNJ, 2 - un combat ou la résolution d’un problème, et 3 - une seconde rencontre avec les PNJ.

  • Dans le premier acte, les PJ sont soumis à un problème urgent. S’ils allaient à la rencontre d’un PNJ important, peut-être que ce PNJ (et tous ceux avec lui dans son château) est tombé malade, ou qu'il est complètement saoul. À moins qu'il n'ait la tête ailleurs car sa fille a disparu ou a été kidnappée, ou est possédée, ou une centaine d’autres possibilités. Hé ! Un voyageur temporel pourrait surgir d’on ne sait où et “emprunter” le PNJ pour un moment, ou la divinité tutélaire de l’un d’entre eux peut lui donner une mission urgente. Le problème doit être précis et simple.
  • Dans le second acte, les PJ découvrent la source du problème et le résolvent, soit par le roleplay, par un travail d’enquête ou par la baston. Un problème simple a souvent une solution aussi simple. Une des questions principales, sinon la première, à laquelle répondre dans cette partie est : pourquoi les autres personnes impliquées dans le problème ne peuvent-elles pas le résoudre ? Pourquoi cela incombe-t-il aux PJ ?
  • Dans l’acte final, le mini-scénario se conclut en une conclusion propre et nette. Le PNJ qu’ils venaient voir remercie les PJ et s’excuse un moment pour rassembler ses esprits avant de leur parler de ce pour quoi ils étaient venus, ou autre. “Malheureusement”, c’est alors le moment d’arrêter la partie – au moment le plus propice pour le MJ qui ne s’était pas – ou mal – préparé.

Les mini-scénarios qui occupent deux demi-séances ont une structure en 4 actes. Le premier, identique à celui décrit ci-dessus, est suivi par un nouveau, inséré avant le second de la structure en trois actes. Ce nouveau deuxième acte est celui où les PJ se confrontent au problème et tombent sur une sorte de revers ou de retournement de situation à la fin. C’est le moment où la partie s’arrête. Tout cela peut nécessiter également une temporisation, comme ci-dessus. À la session de jeu suivante, les PJ terminent cette quête parallèle et ont la moitié de la partie pour revenir à l’intrigue principale. Donc au mieux, cela offre au MJ un temps de préparation entre les sessions.

Les mini-scénarios qui prennent une session et demie sont seulement un peu plus compliqués que les autres, mais mettent généralement en jeu un problème moins simple et quelques interactions  en roleplay avec les PNJ en cours de partie. Ils peuvent souvent être créés comme une structure en quatre actes avec un mini-scénario en trois actes qui se superpose au premier et le complexifie. En donnant aux PJ un problème simple et un problème complexe à résoudre, et en mêlant les deux intrigues, vous compliquez les choses, juste assez pour allonger la durée de jeu de quelques heures supplémentaires. Parfois, vous pouvez gagner un peu de temps en réservant une action de retardement pour le milieu du mini-scénario, au lieu de tout au début. Au final, les mini-scénarios qui prennent plus qu’une session-et-des-brouettes à résoudre font ce que j’appelle “s’étendre”. Ils sont souvent si importants et compliqués que, avant même de les avoir résolus, les joueurs ont oublié ce qui se passait dans la trame qui a été interrompue, qui est pourtant la trame principale de la partie. Je ne recommande pas ce genre de quête parallèle, car elles peuvent nuire à la campagne en général.

L’avantage principal de greffer une nouvelle intrigue parallèle ou un mini-scénario est que cela isole les effets de cette intrigue de la partie principale, et en pratique la protège des erreurs du MJ.

NdT : Assurez-vous que les mini-intrigues contiennent suffisamment d’incitations. Nous avons connu des joueurs qui voulaient “avancer dans l’aventure”, et que les “quêtes accessoires” rebutaient et énervaient. Du genre à buter un PNJ capitaine qui essaye d’échapper à des pirates, afin de passer directement au combat et aller plus vite… Faites tomber les mini-scénarios sur les PJ, pour les forcer à réagir. Bang, le château explose. Boum, la falaise s’écroule, avec quelques guerriers en embuscade dessus. Paf, les kidnappeurs ou le voyageur temporel passent à côté des PJ en repartant, et les mitraillent/frappent au passage.

Créer des PNJ instantanés

J’ai une recette simple pour les PNJ instantanés : je prends un attribut typique de la fonction du personnage et je l’amplifie, puis je lui adjoins un second attribut typique et je l’inverse. L’idée est que l’amplification du premier a permis au personnage de réussir dans sa carrière (ou dans son rôle dans l’intrigue), en dépit de l’adversité.

Voici des exemples de cette approche :

  • Un magicien ayant une connaissance aiguë de la théorie occulte se saoule tous les jours pour oublier les horreurs qu’il a rencontrées
  • Un combattant naturellement doué et compétent dont l’ego le conduit à la frime et à d’autres démonstrations flamboyantes au détriment de ses succès martiaux
  • Un larron dont les talents ne sont surpassés que par son incapacité à contenir ses fanfaronnades et sa vantardise
  • Un prêtre profondément pieux, mais aussi fortement conscient de son statut, et qui néglige la valeur d’autrui
  • Un flic qui croit en la justice mais n’accorde aucune confiance aux tribunaux

Je vais alterner ces PNJ avec des personnalités sorties de leur contexte et adaptées de séries télé, de films, de la littérature ou de la BD. Un sorcier avec la personnalité d’Homer Simpson, un larron avec celle de Jack Bauer (24 heures) ; un barbare avec la personnalité de la reine Alien (Aliens) ; un nécromancien avec celle de Gordon Ramsey [Cauchemar en cuisine] ; un marchand avec le caractère de Jack Sparrow (Pirates des Caraïbes), et ainsi de suite.

Il faut trois étapes pour créer un tel PNJ :

  • Choisissez une personnalité. Plus elle est incongrue, mieux c’est.
  • Intégrez-la au rôle du personnage : comment la personnalité influe-t-elle sur sa carrière, comment lui profite-t-elle et comment le gêne-t-elle ?
  • Décidez de la façon d’amener cette personnalité dans l’aventure.

Ces deux approches vous donneront un PNJ improvisé et viable en quelques secondes. Généralement, j’ouvre mon Guide du Joueur ou mes règles à une section appropriée, en feignant de la consulter, ou même en la consultant réellement, pour gagner ces quelques secondes et pour utiliser cette lecture comme un guide pour les capacités du PNJ.

Les compétences ? Rien de plus simple : donnez aux capacités du personnage un score sur une échelle allant de 1 au niveau du PNJ. Si quelqu’un de la profession du personnage est censé être bon dans telle compétence, je lui donne le double de ce chiffre. Si c’est un domaine qui est utile mais pas nécessaire, je lui donne une compétence égale à ce score. S’il n’est pas directement en relation avec son expertise, je lui donne soit zéro, soit la moitié du score, selon que ce choix donne du relief au PNJ ou non. Ce chiffre me sert de “clé de voûte” pour le reste du personnage et me permet de l’interpréter.

Pour des systèmes de jeu sans niveau, comme Champions, ou mon propre système de jeu de super-héros, j’utilise la moyenne du jet de dés comme niveau du personnage. Donc, pour le Système Hero, qui est basé sur 3d6 et qui a une moyenne de 10.5, je note le personnage sur 10. Pour mon propre jeu, basé sur des pourcentages avec des compétences entre -100% et +150%, je note le personnage sur 75 et je soustrais 50 aux valeurs des compétences relevant de ce score. Cela donne des niveaux entre -50 et +100 pour les compétences pertinentes.

Je fais (généralement) attention à noter les niveaux des compétences décidés de cette manière, pour être cohérent lors des apparitions futures du PNJ.

Donner un visage aux nombres

Parfois, vous devez créer dans l'instant un PNJ plus complet : vous devez lancer les dés pour ses caractéristiques, et ensuite les interpréter. La technique que j’utilise alors est très semblable à celle employée ci-dessus pour les PNJ instantanés.

Je laisse de côté la caractéristique la plus importante pour le personnage, à moins qu’elle ne soit inhabituellement haute ou basse.

Je prends l’autre caractéristique la plus élevée et la considère comme un reflet de l’amplification d’un aspect de sa personnalité.

Je me focalise ensuite sur sa caractéristique la plus faible, et je la considère comme une influence apportant du piquant. Je choisis un aspect de la caractéristique à mettre en valeur, et j’indique ces traits de personnalité.

Le PNJ cesse alors soudain d’être une suite de nombres et commence à développer une personnalité unique. Voici quelques exemples :

  • FOR 15 INT 12 SAG 9 CON 14 DEX 13 CHA 14, générés en lançant 4d6 et en gardant les 3 meilleurs : un PJ standard.

Si ce personnage était un combattant, j’ignorerais la Force car elle est quelconque pour un combattant – ni exceptionnellement haute ni basse – et je me concentrerais sur la deuxième caractéristique la plus haute : la Constitution de 14. Cela suggère un personnage robuste, généralement en bonne forme, avec peut-être un ou deux défauts : soit un personnage avec un embonpoint et une vue courte qui a été généralement actif et en bonne santé. Sa caractéristique la plus basse, la Sagesse à 9, suggère aussi un personnage un peu lunatique, ou à la vue courte, dans un sens plus métaphorique. Créer une personnalité en accord avec un ensemble de caractéristiques en utilisant ce système est en fait plus rapide que les jets de dés eux-mêmes !

Par souci de comparaison, utilisons les mêmes caractéristiques pour un Clerc, et non pour un combattant. Cela veut dire que j’ignore la Sagesse, notant au passage qu’elle est particulièrement basse pour cette classe. Le score le plus élevé est donc la Force, ce qui fait penser à la guerre et à l’agressivité. La caractéristique la plus basse est la Sagesse mais je l’ignore encore une fois, sauf pour m'interroger sur pourquoi ce personnage a choisi d’être Clerc en premier lieu (c’est clairement la classe pour laquelle le personnage est le moins adapté). L’autre caractéristique la plus basse est l’Intelligence de 12. Elle est interprétée comme indiquant qu’un aspect de l’intelligence du personnage agit à son détriment. Le choix le plus évident est qu’un personnage de haute intelligence pose beaucoup de questions difficiles. Ces réflexions rassemblées conduisent à caractériser quelqu’un qui a choisi une carrière non pas parce qu’elle lui plaisait ou qu’elle lui convenait, mais pour faire plaisir à quelqu’un ; un personnage qui est prompt à la dispute et à la bagarre et qui a tendance à semer le doute chez ceux devant qui il prêche, plutôt que les apaiser. Il n’est probablement pas heureux de faire ce qu’il fait, ce qui se manifeste souvent par de la colère et de l’amertume. Peut-être s’est-il impliqué dans un combat grave (ce qui vient de son côté agressif) qui est allé trop loin et a-t-il été sauvé de la potence en s’engageant à vie dans un ordre religieux. Il suit maintenant la voie étroite entre le service de son dieu, du mieux qu’il peut, et une inaptitude naturelle à cet appel, qui fait que le personnage est davantage toléré que bienvenu. De façon surprenante, cette caractérisation est complexe, voire profonde, considérant une méthode de création aussi simple. Vous pourrez faire que ce personnage réapparaisse plusieurs fois, et les joueurs ne se douteront jamais qu’il a été créé en trente secondes en plus du temps de jeter les dés !

Mettre un nom sur un visage

Il y a une place en enfer réservée aux joueurs qui forcent les MJ à improviser des noms pour les PNJ. Je ne peux pas parler pour tout le monde, mais moi je trouve souvent cela plus difficile que d’inventer une personnalité. J’ai une technique spéciale qui m’a sauvé la vie dans le passé.

C’est la technique de l’inversion : je pense juste à un nom ou un mot qui est approprié ; symboliquement associé au trait majeur de la personnalité du PNJ, et je l’écris à l’envers. Je le triture ensuite pour la rendre prononçable. Pour le combattant au sang chaud créé ci-dessus, je pense, par association d’idées, à Max, comme dans Max-la-Menace. À l’envers, cela donne Xam que je triture en Sam. Furieux, devient “Xueiruf”, que je transforme en “Guerolf” pour la prononciation. Ainsi le PNJ s’appelle-t-il Sam Guerolf. Ça marche comme par magie !

Comme un chien dans un jeu de quilles

Mais que faire quand un personnage n’a pas l’air de correspondre aux objectifs de l’histoire, pour lesquels il était prévu ? Encore une fois, il y a deux réponses. La première est de modifier légèrement le rôle du personnage pour s’accommoder de sa nature, telle qu’elle est. La seconde est d’ignorer ce résultat et de tout recommencer depuis le début, en utilisant les techniques décrites ci-dessus, et de répéter le processus jusqu’à avoir une solution satisfaisante. Comme il n’est pas besoin de récapituler ces méthodes, concentrons-nous sur la première solution.

La raison classique pour laquelle un personnage ne paraît pas convenir, est que ses capacités ou ses motivations sont insuffisantes ou décalées par rapport à sa fonction dans l’intrigue. Par exemple s’il doit être un messager des dieux, le second exemple de personnage semblerait tout à fait inadapté : il n’est simplement pas assez pieux.

Mais les problèmes peuvent être plus subtils. Par exemple, un personnage axé sur la défense, ou bien raisonnable et volontiers négociateur, peut être placé dans le rôle de quelqu’un qui doit ordonner des attaques incessantes et implacables.

La méthode discutée ici est “comment modifier la situation pour s’adapter au personnage”. Dans le premier cas, cela tourne autour de la question “Pourquoi un messager aussi peu adapté a-t-il été choisi ?”, et la réponse évidente est que cette tâche est un acte de punition ou de contrition. En d’autres termes, le fait que le personnage ne soit pas adapté à sa mission, est précisément la raison pour laquelle il a été choisi.

Le second cas montre que l’interprétation n’est pas toujours aussi facile. Un PNJ qui est essentiellement un adepte de la défense ne pourrait pas initier des attaques répétées et injustifiées [sur les PJ], à moins qu’il n’ait été acculé au désespoir. Pour en arriver là, il doit avoir été convaincu qu’il n’a pas d’autre choix que d’annihiler les PJ, aussi désagréable que cela puisse être. Il a été persuadé que s’il écoutait ce que les PJ pourraient lui dire, cela le détruirait d’une certaine manière, ou pire.

Soit il a raison, et dans ce cas il est arrivé aux PJ quelque chose dont ils n’ont pas conscience et qu’ils doivent découvrir. Soit il a tort, et quelqu’un a réalisé un joli travail de désinformation sur cet allié potentiel. Dans les deux cas, celui – ou ce – qui est responsable devient un élément important de la suite de la campagne, même s’il n’existait pas auparavant.

Encore une fois, cela impose un choix au MJ : soit il étend le plan de sa campagne pour inclure l’élément responsable de la confrontation, soit il revient sur sa décision d’utiliser un personnage aussi inadapté à son objectif. Cette dernière décision protège l’intégrité de l’intrigue en cours. La première offre une opportunité de développement dans la campagne.

Quel serait mon choix ? Au début d’une campagne, j’opterais pour la solution de “développement” sans hésitation. Si la campagne est bien établie ou même tend vers sa conclusion, il vaut mieux remplacer ce PNJ par un autre qui ne complexifie pas le problème.

Une règle grosso modo, est que si un chien-dans-un-jeu-de-quilles offre une chance d’améliorer la campagne (par opposition à simplement la compliquer), alors il faut conserver cette anomalie et tourner la situation à l’avantage de la partie. Autrement, il vaut mieux laisser tomber ce personnage et le remplacer par quelqu’un qui sera plus adapté aux besoins du scénario.

L’absence d’orientation de la campagne

La dernière des situations à être traitée dans cet article est peut-être la plus difficile à résoudre. De nombreux choix discutés ci-dessus reposent sur une connaissance profonde de ce qui se passe dans la campagne, vers quoi elle se dirige et ce qui arrivera à long terme. Sans cette compréhension, le MJ est complètement à la dérive.

Mon expérience est que si l’univers de campagne est assez riche, alors une direction générale finira par émerger de l’interaction entre les joueurs et le monde de jeu.

[En effet,] au bout du compte, une campagne peut être divisée en trois phases :

  1. Maladresses et complications
  2. Émergence d’intrigues de plus en plus vastes dans une narration plus globale
  3. Paroxysme de ces intrigues dans la conclusion de cette narration

Dans la première étape, le MJ étoffe la compréhension de l’univers par les joueurs, avec des éléments de scénario et des accroches d’histoires.

À ce niveau de création de la campagne, certains de ces éléments peuvent être flous ; tout ce que doit viser le MJ, c’est rendre le monde intéressant, avec autant de sources d’aventures qu’il peut en fournir aux personnages des joueurs. Les scénarios et les intrigues seront courts, indépendants, et porteront sur “déterminer ce qui se passe” plutôt que sur du long terme. Le MJ peut court-circuiter ce processus délibérément, en construisant un arc d’intrigue s’étendant sur toute la campagne dans l’univers de jeu dès la première phrase ; mais même s’il ne le fait pas, il y en a un qui finira par émerger.

Cette première étape est naturellement instable. Tôt ou tard, il y aura des événements dans le jeu qui catalyseront d’autres événements et comportements sur un plan plus large, qui auront des répercussions plus substantielles. Dès que cela se produit, la campagne passe à la deuxième étape, lorsque l’on perçoit chaque élément de campagne par son rapport à l’intrigue supérieure qui est apparue.

Je conseille normalement de faire apparaître délibérément une intrigue particulière dans la campagne car, même si elle émerge naturellement, il n’y a aucune garantie qu’elle soit conclue de façon satisfaisante. Le MJ peut s’assurer qu’une résolution est possible, en intégrant sciemment un mouvement global dans l’univers de jeu, vers une confrontation donnée des forces ou d’idéologies – ou de quoi que ce soit. Même si les joueurs perçoivent la campagne comme étant à l’étape 1, le MJ peut s’activer à poser les fondations des aventures à venir, sans qu’aucun joueur ne se doute de la signification ultime de ces événements.

À la troisième étape, tout est subordonné à l’intrigue globale qui est apparue, et tout tend vers une confrontation et une conclusion : un grand final. Et, même si la campagne retourne à une nouvelle étape 1 par la suite, les conséquences de cette confrontation continueront à façonner l’univers de jeu bien après la fin de sa résolution.

Peu importe que le MJ ressente l’absence d’une orientation de la campagne. C’est juste plus simple s’il y en a une. Pour illustrer mon propos, je pense conclure avec un bref synopsis de mes Campagnes de Fumanor, analysé depuis cette perspective.

Bref synopsis de mes Campagnes de Fumanor

La première Campagne de Fumanor avait pour sujet le rétablissement des Dieux après leur confrontation avec leurs ennemis tout aussi éternels, les Puissances du Chaos. C’était une campagne post-apocalyptique à orientation fantasy, centrée sur le besoin de (a) unifier les survivants de nombreux panthéons en une seule entité cohérente et (b) renforcer ce panthéon uni en amenant un de leurs ennemis à rejoindre les rangs des Dieux. Pour diverses raisons, il était nécessaire que les décisions-clés soient placées dans les mains de mortels (les PJ). Il s’ensuivit que la campagne tournerait autour des relations entre les PJ et ces forces démesurées, tandis qu’elles manœuvrent pour bien se placer.

La première étape de cette campagne consistait à introduire les joueurs à l’univers de jeu, en révéler son histoire et installer la scène, pour que les PJ prennent conscience de la situation.

La deuxième étape commença lorsqu‘ils se rendirent compte de ce que les Dieux voulaient d’eux. Elle expliquait pourquoi les Dieux et les Pouvoirs du Chaos semblaient s’être déplacés exprès pour interagir avec les PJ dans la première partie de la campagne. Chaque PJ dut résoudre une petite quête qui préparait le chemin vers la quête ultime, tout en les poussant en avant. Un certain nombre de problèmes annexes surgirent puis furent résolus, mais ils étaient tous déterminés par le problème principal, ou étaient définis par leur relation avec ce problème.

La transition de l’étape II à la III de la campagne originale était si subtile qu’elle fut à peine remarquée. Tous les PJ savaient qu’avec chaque rencontre, les enjeux semblaient augmenter, jusqu’à ce que tout l’univers soit suspendu à leur décision. Certaines forces essayaient de les arrêter, d'autres de les soutenir, certaines essayaient de les corrompre et d’autres de les séduire. Petit à petit, ils prirent conscience que, quelle que soit leur décision, ils affecteraient le destin du monde d’une façon qu’ils pouvaient à peine appréhender, et encore moins comprendre.

À la fin, les PJ durent résoudre trois questions fondamentales :

  • l’identité et le rôle du divin
  • le choix entre un monde multiculturel abritant plusieurs espèces pensantes, et un monde avec une seule race intelligente dominante
  • et la répartition de la magie – en petites quantités et très concentrée ou en grande quantité et largement distribuée

L’identité de “la douzième divinité” était presque triviale en comparaison de l’étendue de ces questions.

L’étape finale de la campagne avait le potentiel, soit de créer un dénouement qui montre certaines des implications des choix qui avaient été faits, annonçant des lendemains meilleurs ; soit d’être l’étape 1 d’une nouvelle campagne si les joueurs souhaitaient continuer. Ils choisirent incontestablement la seconde option.

La seconde campagne était centrée sur le même conflit entre les Dieux et les Puissances du Chaos, et ce qui s’était passé plus de 100 ans auparavant, et qui avait déclenché l’apocalypse.

À la fin, les joueurs apprirent que Toth, Dieu de la Connaissance, avait décidé que ses dons naturels lui permettaient de connaître les Puissances du Chaos, au point où il pourrait utiliser ces connaissances pour planifier la victoire finale des Dieux. Mais il avait sous-estimé la nature corruptrice de cette connaissance et se retrouva esclave des Puissances.

Il fut forcé d'utiliser son sens inné de l’Ordre et de la Logique pour donner au Chaos la victoire finale. Bien qu’il ne puisse pas s’opposer frontalement à ses nouveaux maîtres – au point de ne pas pouvoir faire savoir à ses frères qu’il existait toujours – il pouvait indirectement protéger et aider ceux qui, au final, pourraient le libérer, en commençant au moment où ils étaient tellement insignifiants qu’ils passaient inaperçus. Chaque action au service de ses maîtres servait ainsi un double objectif.

Cependant, au démarrage de la seconde campagne, les PJ n’en savaient rien. Tout ce qu’ils savaient était que les choses n’avaient pas commencé à s’améliorer comme ils s’y attendaient après leur victoire qui avait remodelé le monde et élevé Arioch au rang de Divinité. Il y avait eu des bénéfices à court terme, mais bientôt tout s’écroulait autour d’eux. Apostasies, hérésies, invasions, activités démoniaques, corruption, crime et désespoir prenaient de l’ampleur. Plusieurs fois le monde vacilla au bord de la destruction.

À l’étape II de la seconde campagne, les PJ commencèrent à relier les intrigues les unes avec les autres. Ils prirent conscience que de nombreuses menaces contre lesquelles ils luttaient avaient des causes communes. Parmi elles il y avait une imminente tentative de coup d’État, fomentée de l’intérieur ; la menace d’une invasion extérieure, et des forces surnaturelles prenant à nouveau position en vue d’une confrontation majeure.

Un par un, tous les dangers qu’ils avaient mis à jour furent connectés au plan magistral de quelqu’un qui occupait tout le monde à traiter des problèmes communs et à ne PAS interférer avec l’objectif réel de ce plan : la destruction du Plan Matériel Primaire, qui entraînerait par un effet domino l’annihilation de toute existence.

À l’étape III, les PJ entreprirent une quête désespérée pour découvrir l’identité de leur véritable ennemi et contrarier son dessein. Une longue série d’indices les conduisit, après de nombreux dangers, à découvrir la trahison et la capture de Toth, et leur fournit un plan pour le vaincre. Un plan qui semblait presque impossible à mener à bien, mais qui était mieux que rien. Lors de l’épique conclusion, ils durent se battre en plein milieu du coup d’État pour contrer la destruction imminente de Tout. Les PJ gagnèrent, mais seulement en tuant Toth pour protéger la connaissance interdite qui le consumait et l’asservissait.

La troisième et la quatrième campagne de Fumanor sont aujourd’hui en cours plus ou moins simultanément. L’une concerne les conséquences internes des événements des campagnes précédentes, et a pour thème sous-jacent la pureté théologique.

L’autre traite des conséquences externes de ces événements ; premièrement au travers d’un Empire des Morts-Vivants dont l’existence ne fut possible que grâce à la quasi-annihilation des Dieux lors de l’apocalypse. Deuxièmement au travers de la situation des elfes, où les drows se sont rachetés – au prix de la conquête des elfes par Lolth, qui s’active à les corrompre.

Les deux campagnes suivent des architectures plus complexes que le simple schéma I-II-III que je viens de décrire. La première a eu une structure plus épisodique, et aucun arc narratif global n’apparaît encore clairement aux joueurs (bien qu’il y en ait un, et qu’ils en deviennent peu à peu conscients). L’autre semble suivre la séquence I-II-III jusqu’à présent, tout le but des II et IIl étant de mettre en place d’autres étapes II et III, impliquant les elfes, ce que les joueurs ne comprennent pas encore complètement.

Ce que montre ce synopsis, c’est que si un MJ sent que sa campagne ne va nulle part, qu’il se concentre simplement sur le plaisir du jeu : une orientation globale apparaîtra d’elle-même à la fin. C’est mieux de se sentir aller à la dérive que de forcer la campagne dans une direction ennuyeuse.

Des canots de sauvetage dans le couchant

Ces huit problèmes peuvent affecter le mieux préparé des MJ au moment le plus inattendu. J’espère que ces huit solutions permettront aux MJ assaillis par ces urgences, de maintenir la tête hors de l’eau assez longtemps pour les résoudre !

Article original : A potpourri of quick solutions: Eight Lifeboats for GM Emergencies


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