yaka, fokon, faire une convention

La convention locale de Brisbane subit quelques turbulences cette année, parce qu’elle n’a été organisée qu’à la dernière minute. Il n’y a pas beaucoup de parties, alors les habitués ne viennent pas ; et sans publicité, les curieux font de même. Il sera peut-être possible de remonter la pente l’an prochain – en supposant que quelqu’un avec du nerf veuille bien l’organiser. C’est peu probable si on ne change pas la façon de faire, car le boulot est trop difficile, hautement ingrat et ne paie pas. Ce qui suit rassemble quelques bonnes idées que j’ai tirées de conventions britanniques, et qui pourraient faciliter le travail [de tout organisateur de conventions].

1. Virez les préinscriptions

Aucune des conventions britanniques auxquelles j’ai participé ne requérait d’inscription préalable. Parfois c’était optionnel, mais pas toujours. La meilleure conv’ où j’ai été (Dragonmeet) n’en avait pas. Certes, le matin ça nous a pris environ trente minutes pour passer la porte. Mais le fait est que les gens sont bien plus enclins à venir si cela ne requiert aucune réflexion. Il existe probablement une loi australienne bien barrée sur la sécurité qui ralentirait encore plus l’entrée, mais l’inscription serait toujours plus rapide qu’actuellement, parce que vous n’auriez pas à recenser qui fait jouer quel jeu – juste prendre leur nom et les faire entrer.

2. Faites s’inscrire directement aux parties

Même la GenCon UK, la plus grande conv’ de l’Union Européenne, utilise ce principe. Cela élimine entièrement le besoin d’inscription à la convention. À nouveau, cela peut prendre plus de temps si chacun doit choisir sa partie et décider s’il veut jouer. Toutefois, non seulement les gens sont plus enclins à venir à une manifestation où il faut juste se pointer sans devoir réfléchir à quel JdR jouer, mais ils seront également beaucoup plus enclins à se porter volontaires pour aider s’il faut juste se pointer le jour-même. Cela vous fournit donc des aides et des racoleurs supplémentaires pour accélérer les inscriptions aux parties à l’entrée. Cela permettrait également d’avoir plus de MJ.

J’ai entendu dire que si vous faites comme cela, aucun MJ ne viendrait parce qu’on ne leur garantirait pas de joueurs pour leurs parties. Vous ne voulez pas de cette sorte de MJ dans votre convention. Ce sont des idiots.

Vous devrez également gérer l’aspect “Premier arrivé, premier servi” mais il pourrait bien en réalité augmenter le roulement des tables : les gens sont plus motivés quand les places sont en nombre limité. Auquel cas, vous ne pouvez pas faire payer chaque partie, mais c’est généralement une mauvaise idée de toute façon. Le but est que le gens voient la conv’ dans son ensemble, pas seulement les éléments singuliers, de sorte qu’ils s’enthousiasment pour la convention elle-même.

3. Divisez et déléguez

Si l’enregistrement est aussi délicat avec le système actuel, c’est parce qu’il pourvoit aux besoins des wargames, [des jeux de plateau] et des jeux de cartes à collectionner, qui requièrent un processus complètement différent. En fait, le principal problème de structure des conventions australiennes vient du fait qu’elles se calquent sur celle qui fut créée pour les conventions américaines de wargames. Notre loisir a évolué et les conventions devraient faire de même. On devrait supprimer les concepts issus du wargame comme les récompenses et les plannings. D’un autre côté, si les joueurs de wargame veulent être présents, ils n’ont qu’à s’organiser eux-mêmes. Pareil pour les participants aux campagnes interactives (1) – les organisateurs prendront les noms des personnes à l’entrée, et assureront l’intendance. C’est tout. Si vous voulez coordonner les inscriptions ou les horaires pour votre type de jeu, alors vous le faites. Le JdR, miraculeusement, ne nécessite pas beaucoup d’organisation. Les wargames, si. Alors laissez-les se débrouiller.

L’objection dont on nous rebat habituellement les oreilles est que les wargamers et les rôlistes aiment passer d’un loisir à l’autre (“Hey, hey, nous sommes tous un grand melting-pot”). Conneries. J’y prête attention depuis cinq ans et les wargamers jouent tout le temps aux wargames. Bien entendu, on peut avancer que se regrouper réduit les coûts d’intendance – ce qui est en fait une raison pour que les wargamers, s’ils veulent vraiment participer, aient leur propre organisation, afin de réduire les coûts globaux de la convention. Les deux premières idées devraient augmenter le nombre de rôlistes, ce qui stabilisera vos entrées, surtout si vous ajoutez le point suivant.

4. Événements

Les conv’ étaient conçues pour le wargame – c’est-à-dire pour une compétition entre personnes. Les rôlistes n’ont pas tant besoin de se réunir entre rôlistes. Nous nous connaissons tous, pour la plupart. Nous faisons tous de bonnes parties de JdR à la maison et les gens qui n’en font pas… ne viennent pas. Il n’y a rien de particulier dans une conv’ que je ne puisse avoir en passant un après-midi à la maison de Chris Slee.

L’alternative consiste à rajouter des événements spéciaux. Des choses que vous ne voyez pas tous les jours. Des démonstrations, dans un espace dédié. La venue de célébrités, si vous réussissez à les faire se déplacer. Des panneaux d’information-exposition (2). Des compétitions. [Des tournois. Des multi-tables…] Des costumes. Des ateliers. Des événements sponsorisés. Des parties de Magic : l’Assemblée, grandeur nature et à grande échelle. Un char d’assaut amphibie avec un MJ dedans. La plupart de ces choses coûtent très cher, mais pas les plus petites. Tout cela serait possible si on se décide à cogiter, et qu’on se concentre sur les événements spéciaux. Je veux bien aller m’asseoir dans le char amphibie et dire aux gens que leur personnage est mort. Ça me va tout aussi bien de présenter un panneau expliquant comment percer sur le marché du jeu, ou sur la création de JdR, ou l’écriture d’aventures, ou peu importe. Franchement, je ferais tout ce qui me permette d’attirer l’attention des gens.

5. Gérez la convention comme une entreprise

D’accord, vous n’allez jamais en tirer beaucoup d’argent (mais ce n’est pas le but de toute façon). Les conv’ sont en effet un service après-vente créé pour renforcer notre passion et donc le marché, par des effets de ruissellement (wiki). Cependant, un manager sensé à la tête de l’événement, comprenant l’outil publicitaire et l’utilité de faire du profit, pourrait vraiment être utile. Il pourrait aussi s’intéresser à la réduction des coûts. Je suis sûr, par exemple, qu’on pourrait trouver des locaux sans cafétéria, mais suffisamment proches de magasins. Ce qui serait déjà un bon début (3).

6. Voici une autre idée rentable tellement importante qu’elle mérite son propre paragraphe : servez de l’alcool

Pourquoi croyez-vous que le slogan des SteveCon (4) est “JdR, gens, bière” ? C’est une vérité économique prouvée que les lieux servant de l’alcool attirent plus de gens. Bien sûr, les licences IV coûtent la peau des fesses (5). Mais je suis sûr qu’il existe des moyens de contourner cela (comme par exemple, organiser la convention près d’une supérette ouverte tard). Recruter des strip-teaseuses serait peut-être “trop”, mais de façon plus générale, employer des femmes peu vêtues relève du bon sens commercial. Regardez la publicité [du festival de cosplay] Supanova. Je ne sais pas comment nous rôlistes (sur table) pourrions le faire, mais ce genre d’idées mérite d’être exploité – si nous voulons augmenter le nombre de visiteurs et gagner plus d’argent. Sinon, proposez des tarifs d’entrée réduits pour les femmes. Plus de participantes féminines augmente non seulement le nombre de participants masculins, mais améliore également leur niveau d’hygiène à l’arrivée. Bien sûr, votre convention commencera à ressembler à un marché aux bestiaux, et nous ne voulons vraiment pas encourager cette idée plus que nécessaire. Ce qui m’amène à l’idée numéro 7…

7. Tolérance zéro

Un de mes créateurs américains préférés amène un pistolet à eau plein de flotte savonneuse à chaque GenCon. Si un rôliste qui sent mauvais approche de son stand (il bosse pour Shadowrun), il le douche. Probablement un bon moyen de plonger pour agression, j’imagine, mais le principe a du bon.

Et malheureusement, augmenter le nombre de visiteurs augmente le nombre de losers qui passent la porte. Et les losers font fuir les gens. Ma petite amie a fait sa première conv’ en 2004, et pendant les cinq premières minutes, elle se fit draguer par quelqu’un ; puis elle joua avec un MJ de Brisbane qui ignore en fait les femmes quand elles lui parlent, parce qu’il ne les considère pas comme étant de véritables personnes (et encore moins comme des rôlistes). Je ne serais pas revenu après la pause repas si cela m’était arrivé.

Il faudrait tuer ces gens. À défaut, il faut proposer de nombreux moyens pour recueillir l’avis des visiteurs [distribuer des questionnaires de satisfaction aux participants ? (NdT)]. Tout MJ générant ce type de plainte ou similaire ne sera tout bonnement plus réinvité. Nous n’avons pas besoin d’eux. Pour un visiteur qui aura joué grâce à eux, ils nous en font perdre deux. Il vaut mieux se concentrer sur la convention et la journée en elle-même, plutôt que sur telle partie ponctuelle, et ce n’est pas grave si on perd quelques MJ.

8. Réduisez la durée

Un dernier moyen d’économiser de l’argent et le temps de travail administratif est de réduire la durée de la convention. Trois jours, c’est trop. Même les wargamers n’ont pas besoin de trois jours. La meilleure convention que j’aie jamais faite a duré huit heures. Deux jours sont plus qu’assez. De toute façon, le nombre de visiteurs baisse toujours le deuxième jour. Cela vous permet aussi de prévoir l’événement quand vous voulez, et d’éviter les longs week-ends de mai où tout le monde se met au vert. Vous pouvez également obtenir des locaux et attirer des professionnels plus facilement.

Vous diminuerez considérablement le temps de préparation, grâce à une convention courte qui ne demande pas d’inscription préalable, avec des joueurs qui s’organisent entre eux, et qui met l’accent sur les événements spéciaux.

Cela signifie que vous aurez plus de temps pour une promotion d’enfer avec des femmes peu vêtues. Le nombre de visiteurs augmente, tandis que les coûts restent stables, et vous gagnez plus d’argent pour faire une meilleure promo l’année suivante – envoyez bouler l’idée de donner vos bénéfices à une association caritative, réinvestissez dans la convention elle-même !

Ou sinon, utilisez tous les revenus pour acheter des cadeaux et des bonus aux orgas qui se sont vraiment impliqués. Ce ne sera jamais une activité qui paiera leurs factures, mais je vous parie tout ce que vous voulez que plus de gens viendraient vous aider à organiser s’ils savaient qu’ils auront, disons, des bières à l’œil pendant toute la convention. Les orgas boivent gratuitement et le chef du staff reçoit en complément quinze minutes de catch, dans la gelée verte, “Spécial DC vs Marvel” avec les filles déguisées en Catwoman et Wonderwoman.

Et les matches de Jugger [Une sorte de hockey où le palet est un crâne et les crosses des armes médiévales, NdT] se tiennent sur le terrain ovale.

Article original : Belling the Cat

(1) NdT : Souvent jouées en conventions, les parties d’une campagne interactive se déroulent toutes dans le même univers – par exemple Greyhawk -, et impliquent des milliers de groupes. Cela nécessite une gestion avancée. [Retour]

(2) NdT : Une conférence très savante sur le JdR, s’appuyant sur nos articles, a déjà eu lieu ; en voici le compte rendu. [Retour]

(3) NdT : Nous avons fait les deux. Si, d’un côté, nous avons réussi à libérer les trois personnes qui ne faisaient QUE des sandwiches pendant la manifestation, le manque à gagner a été significatif, alors que les sandwiches ne nous coûtaient que du temps et un peu de matière première. En prime, nous avons pris les commandes de tout le monde et tourné nous-mêmes entre les différents kebabs, sandwicheries, pizzerias, etc. pour accélérer la livraison. Dans les deux cas, beaucoup d’énergie perdue : les deux méthodes se valent, même si la deuxième permet de mieux se concentrer sur la convention. Un conseil, peu chronophage et lucratif : faites des crêpes. [Retour]

(4) NdT : La SteveCon est une “convention” autour de Steve Darlington et/ou Steve Dempsey. On fixe une heure, un bar, quelques-uns proposent des scénarios, et on voit. Lire l’interview chez Le Ludiste. Plusieurs SteveCon Paris ont été organisées par des rôlistes du forum Casus. [Retour]

(5) NdT : En France, certaines associations ont le droit de servir de l’alcool aux majeurs, mais sous réserve, et en obtenant l’autorisation de la municipalité et du propriétaire des lieux. Connaissant la froideur réservée par le commun à ce genre d’événements, autant dire jamais. D’un autre côté la convention peut s’organiser en même temps qu’un gala étudiant/grandes écoles ou sous l’égide d’une association non-rôliste. [Retour]

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