Pour des espaces plus sécurisés : 1 - côté participante
© 2022 Mirella Machancoses
Avertissement : cet article évoque des violences sexistes et sexuelles qui pourraient vous mettre mal à l’aise.
NdT : Pour cet article uniquement et sa suite, pensés en particulier du point de vue des femmes rôlistes, nous avons gardé le féminin neutre de la version d'origine.
Première de couverture du livre de Shawna Potter qui servira de référence tout au long de cet article.
Cela fait un bon moment que l’idée m’est venue de publier sur ce blog un article qui aborde la question de la communauté rôliste, de sa gestion, et de ce qu’on peut faire pour la rendre plus saine. Cet article vise aussi à nous faire réfléchir sur les comportements que nous perpétuons inconsciemment dans notre communauté et qui peuvent laisser penser aux personnes issues de minorités qu’elles ne sont pas les bienvenues dans le JdR. Lorsque j’ai commencé à préparer cet article, je suis tombée sur l’excellent livre de Shawna Potter intitulé Cómo crear espacios más seguros ["Comment créer des espaces plus sécurisés" (NdT)] et édité chez Orciny Press [pour la traduction espagnole], qui a structuré bon nombre de mes réflexions sur ce sujet. Avant de commencer, j’aimerais remercier toutes les personnes qui m’ont permis de me procurer ce livre en faisant des dons sur mon compte ko-fi. Je n’aurais pas pu écrire un article aussi complet sans votre soutien !
Il m’a fallu beaucoup de temps pour structurer le contenu de cet article (le sujet étant très vaste !) et décider comment répartir le tout pour faciliter sa lecture. Vous l’avez peut-être remarqué, mais j'ai dû supprimer une première version de l’article et repenser sa forme. Voilà pourquoi vous vous retrouvez avec un texte découpé en deux parties : celle-ci, et une autre du point de vue de l’organisation. Cette première partie abordera le concept et nos actions individuelles, et la deuxième se concentrera sur comment vous pouvez mettre tout ça en œuvre. J’espère que mon article contribuera grandement à changer le paradigme de ce problème.
Pourquoi avons-nous besoin d’espaces plus sécurisés ?
L’idée de cet article est née après quelques discussions dans des groupes de JdR sur Telegram, et plus particulièrement en raison de certains messages discriminatoires que j’ai dû dénoncer. Même s’il n’était pas question de menaces de mort ou de viol, ces messages étaient méprisants envers les femmes et leur rôle dans la société. Pour de nombreuses personnes, ces propos n’étaient que des plaisanteries « innocentes », mais pour moi, ils étaient très violents et peu accueillants envers les femmes.
Nous avons toutes le droit de pratiquer le Jeu de Rôle en toute sécurité
Et la polémique a éclaté. Des membres de ces groupes s’en sont pris à moi en disant, entre autres, que j’étais excessive et que ce n’était qu’une petite blague de rien du tout. Cependant, j’ai également reçu des messages, dont la majorité en privé, qui m’ont encore plus choquée et à cause desquels j’ai vraiment ressenti le besoin d’écrire à ce sujet. Certains hommes « alliés » disaient que c’était inutile d’entrer dans de telles discussions, que c’était de la violence à leurs yeux, et qu’il valait mieux faire profil bas. Mais je leur ai fait remarquer [qu’en tant qu’hommes], ils ont le privilège de pouvoir se taire, car ils ne sont pas la cible de ces attaques et ne se font pas pousser vers la sortie. Pour être honnête avec vous, j’en ai assez de devoir m’éclipser et de laisser toute la place à de telles personnes.
Tout le monde doit ajouter sa pierre à l’édifice pour que cette situation ne se reproduise pas : chaque soutien compte. Nous devons tout faire pour que les femmes, les immigrées, ou celles issues d’une ethnie minoritaire ou de la communauté trans se sentent en sécurité et protégées lorsqu’elles rejoignent notre milieu. Le genre, l’ethnie, la nationalité, l’apparence, le handicap ou l’orientation sexuelle ne doivent en aucun cas être un motif de moquerie. Les concernées doivent avoir le sentiment que si quelqu’un dépasse ces limites (qui, rappelons-le, font partie des droits humains), tout le monde sera là pour prendre leur défense. En résumé : il nous faut un espace plus sécurisé pour tout le monde, y compris pour celles qui sont déjà présentes dans le milieu du JdR.
Pourquoi « plus sécurisés » et pas « sécurisés » tout court ?
Comme vous le savez peut-être, je collabore de temps en temps avec le collectif “Santuario de Selene” [Sanctuaire de Séléné, un collectif entièrement géré par des personnes non genrées au masculin (NdT)] qui se consacre à la mise en place de protocoles de sécurité dans les GN. Nous réfléchissons depuis un certain temps maintenant à la manière d’améliorer non seulement les protocoles existants (un nouveau protocole sera bientôt publié), mais également
- comment garantir à 100% la sécurité de toutes et tous lors d’un événement,
- à quel point il est important de réagir lorsqu’un incident se produit,
- et l’importance de réussir à éviter le moindre incident.
C’est pour ça qu’après avoir lu la définition de Potter d’un « espace plus sécurisé », ce terme est pour moi le plus adéquat.
Il n’existe aucun espace sécurisé à 100% ; ça me fait mal au cœur de le dire, mais c’est un fait. Même avec toutes les mesures possibles et imaginables, rien ne peut garantir qu'une personne ne rejoindra pas le milieu du JdR en agressant les personnes présentes d’une manière ou d’une autre, volontairement ou par inadvertance. Il y aura toujours des facteurs individuels que nous ne pouvons pas contrôler. Il vaut mieux en avoir conscience et de l’accepter.
Cependant, il est de notre devoir de faire tout ce que nous pouvons, que ce soit en tant qu’organisatrices ou participantes, pour faire en sorte que les espaces que nous fréquentons (dans notre cas, ceux liés aux JdR) soient les plus sécurisés possible. Il faut faire le maximum.
Par ailleurs, nous devons apprendre à ne pas nous torturer à ce sujet. Lorsque des mesures sont mises en place, elles peuvent échouer, et c’est là que les protocoles interviennent ; si nous nous focalisons sur l’échec, nous n’essayerons plus à l’avenir, et ce sera pire pour tout le monde. Et je dis ça en toute connaissance de cause. Producciones Gorgona (es) et tous les espaces avec lesquels je collabore de manière générale essaient d’être des lieux plus sécurisés. Pourtant, lorsqu’une personne affirme avoir été victime de harcèlement dans un espace qui vous appartient, on a l’impression d’avoir le cœur dans les chaussettes, on se sent coupable de ne pas avoir été plus vigilantes, de ne pas avoir vu l’incident venir. C’est souvent impossible à prédire, et ce qui vous permettra de vous distinguer des espaces moins sécurisés, c’est votre manière de réagir.
Qu’entendons-nous par harcèlement ?
Lorsque nous sommes témoins de harcèlement, il y a trois problèmes majeurs qui se posent :
- Le premier est, bien entendu, d’apprendre à l’identifier lorsque nous n’en sommes pas les victimes.
- Le deuxième est d’apprendre pourquoi il est essentiel d’intervenir sans que ça n’aggrave la situation.
- Enfin, il faut apprendre à intervenir en toute sécurité.
C’est cette structure que je vais suivre dans la suite de cet article.
Première chose à faire : apprendre à identifier un cas de harcèlement, qui peut être physique ou verbal et fondé sur de multiples facteurs : l’orientation sexuelle, le genre, la religion, la race, le handicap, la taille, l’âge, la classe sociale, ou une combinaison de ces éléments. Par ailleurs, ce qui peut être considéré comme étant du harcèlement par quelqu’un, peut ne pas l’être à vos yeux. Et c’est là que les choses se compliquent.
Par conséquent, votre priorité doit toujours être de croire la personne qui a été victime de harcèlement, même si elle ne se considère pas forcément elle-même comme une victime. Nous allons devoir apprendre à donner la priorité aux victimes, à essayer de comprendre ce qui les bouleverse et ce que nous pouvons faire pour qu’elles se sentent plus à l’aise.
Pourquoi faut-il intervenir ?
Il est de notre devoir à toutes d’intervenir lorsque nous sommes témoins de harcèlement, et nous devons être formées pour l’identifier
En cas de harcèlement, il est essentiel d’intervenir. Nous sommes une communauté, même si celle-ci nous semble parfois divisée, voire conflictuelle. Mais en réalité, des liens très forts nous unissent : nous interagissons dans les mêmes espaces à la fois en ligne (sur Twitter, Telegram, Discord, les forums, etc.) et en personne (conventions, tables de jeu, clubs, GN, etc.), nous fréquentons les mêmes magasins, nous consommons des activités de loisirs similaires, etc. Par conséquent, faire en sorte que ces petits espaces soient plus sécurisés pour toutes peut radicalement changer le petit monde qui nous entoure.
Problème : nous avons souvent l’impression qu’en intervenant, nous ne ferons qu’aggraver la situation de la victime ou envenimer la situation qui peut alors devenir plus violente. Cependant, même si c’est une possibilité (et nous verrons plus tard comment l’éviter), et comme Potter le souligne à juste titre à la page 13, des études scientifiques récentes ont révélé que :
- C’est la non-intervention des témoins qui aggrave la réaction émotionnelle de la cible du harcèlement.
- L’intervention des témoins, même si ce n’est qu’un regard compatissant, a une influence positive sur la victime de harcèlement.
- Lorsque le témoin confronte l’agresseur, le harcèlement a plus de chances de s'arrêter.
En réalité, les personnes marginalisées sont déjà victimes de discrimination dans les espaces publics - y compris dans les espaces de JdR - même si nous préférons nous mettre des œillères. Nous devons leur faire comprendre qu’elles sont dans un espace davantage sécurisé pour elles. Nous reparlerons de tout ça dans de futurs articles, mais l’essentiel est d’en parler publiquement.
Comment intervenir : les 5D
Dans le JdR comme dans la vie, appliquez les 5D pour lutter contre le harcèlement
L’une des questions qui se posent toujours est de savoir comment intervenir. Pour cela, il est essentiel de connaître les 5D dont parle Potter et de savoir comment ces techniques peuvent avoir un effet positif sur les situations de harcèlement et de discrimination. Rappelez-vous qu’il n’est pas nécessaire d’agir avec agressivité envers les harceleurs si vous avez peur pour votre propre sécurité, tout comme il n’est pas nécessaire de réconforter les victimes si vous craignez d’être froide ou pas très sincère.
Je tiens à préciser qu’il ne s’agit que de quelques indications sur la manière de procéder et que, si le sujet vous intéresse vraiment, Potter aborde plus en profondeur chacune de ces techniques dans son livre.
Dire
Cette technique est peut-être un peu risquée, mais c’est aussi l’une des plus efficaces. Elle consiste à parler à l’agresseur et à lui faire comprendre, de manière brève et concise, que son comportement n’est pas acceptable dans ce groupe. Utilisez des phrases courtes et directes, et n’entrez pas dans un débat.
Cette technique est la bienvenue dans les contextes en ligne, à condition qu’elle ne devienne pas un moyen de donner la parole à l’agresseur. Le cas échéant, décrivez le type de comportement et restez ferme sur votre volonté de ne pas débattre davantage.
Distraire
Il faut savoir bien lire la situation et choisir la méthode de distraction la plus appropriée pour mettre fin à l’incident. Cette technique est peut-être moins utile dans les milieux de JdR, mais elle m’a sortie d’une situation très inconfortable lors d’une convention. Un homme m’avait coincée contre un mur pour débattre de mon intervention précédente dans une convention sur les JdR féministes (il n’avait pas osé agir en public) et je me suis sentie mal à l’aise et stressée. Des amies sont alors intervenues en disant qu’elles avaient besoin de mon aide pour préparer les GN de ce soir-là et m’ont permis de sortir de cette situation. C’est l’un des moments de ma vie où j’ai été profondément reconnaissante que quelqu’un soit intervenu, alors que j’avais moi-même participé à l’organisation de cette convention.
Déléguer
Si vous ne savez pas comment agir ou si vous avez peur, demandez l’aide d’une tierce personne : ça ne veut pas forcément dire appeler la police (sauf si la victime le demande), mais simplement une personne de confiance, qui se trouve à proximité, qui a la capacité et le bon rôle pour agir. Dans le cas du Jeu de Rôle, le plus simple est de s’adresser à une personne de l’organisation, en particulier si des personnes formées sont présentes à un point violet [en Espagne, un « Punto Violeta » est un lieu pour accompagner les personnes victimes de violences sexistes (NdT)].
Demander
Prenez des nouvelles de la victime après l’agression : ça fera une énorme différence pour elle, même si vous n’avez pas pu mettre fin à l’agression. Interrogez-la sur son ressenti et, surtout, demandez-lui ce que vous pouvez faire pour elle.
Étant donné que nous formons un petit monde dans la communauté du JdR et que nous sommes presque toutes d’accord sur le fait qu'une agression ne s'arrête pas au moment où elle a lieu, quel que soit le moment où cette agression peut avoir lieu, j’essaie généralement de parler à la victime non seulement juste après l’agression, mais aussi plus tard, lorsque les choses se sont calmées, pour voir comment elle se sent et si elle a changé d’avis sur ce qu’il convient de faire.
Documenter
La documentation constitue toujours l’une des questions clés concernant le harcèlement. Ça peut donc être utile d’enregistrer l’incident (ou de faire des captures d’écran dans le cas des agressions en ligne). Ne prenez aucun risque pour documenter une agression (dans le cas d’un incident en direct) et n’utilisez pas votre documentation, y compris sur Internet, sans le consentement de la victime.
Mon conseil, outre les propos de Potter dans son ouvrage : gardez une trace des agressions (en particulier les captures d’écran) dans un dossier peu visible, mais tout de même accessible si quelqu’un (y compris vous-même) a besoin de dénoncer cette agression. Par exemple, j’ai conservé les captures d’écran d’une agression ayant eu lieu sur un serveur Discord de JdR féministe, au cas où ça pourrait servir, y compris des menaces de mort ; ça vous donne une idée de leur contenu.
Votre role dans la communauté
En plus des 5D en soi, on peut toujours agir contre le harcèlement. Tout le monde le peut, même quand ça semble impossible. Que vous soyez d'un côté ou de l'autre de l'écran de MJ, que vous écriviez pour être publiée ou que vous débattiez simplement sur un forum, vous pouvez agir et améliorer la situation pour tout le monde. Bien entendu, le rôle que vous pourrez avoir dépendra énormément de la position que vous avez dans la communauté.
Laissons de côté la position d'orga de l'événement, qu'on approfondira dans la seconde partie de cette série d’articles, et concentrons-nous sur les deux autres : MJ ou autrice, et joueuse.
MJ ou autrice
En lisant le livre de Potter, qui est vraiment centré sur le monde du spectacle, j'ai perçu l'importance qu'elle donnait au rôle des artistes dans la lutte contre le harcèlement dans les salles de concert. J'ai réfléchi à ce que serait la position équivalente dans la culture rôliste, et la réponse m'a sauté aux yeux : la MJ ou l'autrice ; une personne qui a plus de pouvoir qu'une simple participante, mais moins que celles et ceux qui font appliquer les règles de l'endroit (si on est dans un club, une convention, etc). Dans le cas du Grandeur-Nature, ce rôle revient souvent aux orgas, mais ça ne veut pas dire qu'iels ne peuvent pas agir également en tant que MJ ou autrices.
Indépendamment des politiques du club ou de la convention où vous menez la partie, les gens vous écouteront si vous exposez les vôtres. Énoncez vos principes, insistez dessus dans vos publications sur les réseaux sociaux ou en interview (dans le cas des autrices), etc. Faites savoir que si quelqu'un a besoin d'aide en convention, on peut compter sur vous, et que votre table est un espace encore plus sécurisé que ce que les règles générales exigent (utilisation de mécanismes de sécurité émotionnelle, discrimination interdite, adaptation aux différents handicaps, etc).
Il est essentiel que vous en parliez et que vous affirmiez à quel point il est important pour vous que les espaces dont vous vous occupez soient aussi sécurisés que possible. Par exemple, demandez aux conventions si elles disposent de protocoles de sécurité, d'un règlement anti-harcèlement, etc. Si vous n'arrivez pas à les imposer, faites au moins en sorte que l'endroit soit aussi sûr que possible tant que vous serez présente.
Si vous avez déjà une certaine notoriété, vous pouvez également faire pression pour que ces mesures soient adoptées ou pour que des mesures soient prises à l'encontre des personnes problématiques qui y participent. C'est un rôle qui exige un certain courage (vous allez un peu vous faire taper dessus), mais c'est très gratifiant, et vous contribuerez vraiment à faire bouger les choses, petit à petit, dans le milieu rôliste.
Joueuse
On pourrait croire le contraire, mais en tant que joueuse (de n'importe quel type), vous avez aussi un certain pouvoir pour faire bouger les choses, à court et long terme, avec plein de possibilités. Bien entendu, votre voix individuelle sera moins audible que celle d’une autrice ou d'une orga, mais elle existera et peut insuffler de nombreux changements. Car, dans une communauté, l'union fait la force.
Une des tactiques traditionnelles est le fameux boycott : renoncer à aller à une convention ou un GN parce que l'organisation ne garantit pas la sécurité ou a couvert des harceleur.euses dans ses rangs par le passé, d'une manière ou d'une autre. Et, même si c'est une stratégie parfaitement valide, elle n'est pas exempte de problèmes, surtout pour les gros événements, parce que dans les faits, on cède face aux gens qui ne partagent pas ces principes, ce qui aggrave la situation.
Donc, en suivant ce que dit Potter à ce sujet et ce que j'ai déjà évoqué auparavant, il vaut mieux construire que détruire. Il y a donc un certain nombre de choses que nous pouvons entreprendre activement pour que les espaces changent et s'adaptent. Et ce n'est pas chose aisée, parce qu'il n'y a pas de tactique unique et parfaite, et qu'il faudra l'adapter à chaque personne et situation.
Je vais donc vous donner un certain nombre de conseils adaptés à notre milieu. J'espère qu'ils vous seront utiles.
Conseils
- Si vous listez des personnalités rôlistes (auteur.ices préféré.es, influenceur.euses, etc), demandez-vous si vous y avez inclus des femmes, des personnes LGTBI+, avec un handicap, racisées, etc. Si ce n'est pas le cas, demandez-vous si vous en connaissez que vous pourriez citer. Être représentée est très important et aide à se sentir intégrée, en plus d'ouvrir des portes dans le milieu.
- Si vous voyez qu’il se passe quelque chose, intervenez (utilisez les 5D citées plus haut). Ceci inclut de dire à vos propres ami.es d'arrêter si elles font des commentaires offensants ou méprisants. Et ça concerne aussi les groupes sur Telegram ou n’importe quel réseau social.
- Donnez la priorité au JdR écrit ou publié par des gens issus de la diversité et actifs dans la lutte pour l’égalité.
- Même si une personne a bu ou consommé des substances psychoactives, ce n’est pas une raison pour l’agresser. Si vous estimez que le consentement d'une personne n'est pas totalement clair (par exemple, lors d'un after ou d'une convention), intervenez et interrogez-la. Si vous avez des doutes sur comment créer une culture de l’alcool plus saine, nous avons aussi cet article (es) qui en parle.
Et si c’était moi, la coupable ?
Ce n’est pas facile de reconnaître que l’on est responsable d’abus ou d’attitudes discriminantes, ou qu’on en est complice ; mais ça arrive à presque tout le monde à un moment de sa vie, ne serait-ce que par simple ignorance. C’est pourquoi nous devons en prendre connaissance, continuer à nous déconstruire et réfléchir à nos identités ainsi qu'à notre rapport au monde. Et, bien entendu, prendre des mesures pour que ça ne se reproduise plus. Potter y a consacré plusieurs chapitres dans son livre, donc si vous voulez plus d’informations, vous savez où les trouver.
Et si j’étais la victime ?
Le témoignage qui suit pourrait vous mettre mal à l'aise.
Ça n’en a pas l’air mais, parfois, s’identifier en tant que victime est encore plus difficile. Personnellement, ça m’a pris des années pour découvrir que certains comportements que j'avais trouvés particulièrement malaisants en milieu rôliste constituaient du harcèlement ou des conduites sexistes. Des petites agressions qui m’avaient fait me sentir mal à l’aise, sans savoir comment réagir. Même quand un « ami » s'est glissé dans mon lit après un GN sans prendre en compte mes refus, j’ai eu beaucoup de mal à reconnaître que c’était mal et que ce harcèlement n’était pas de ma faute. Un harcèlement qui a été rapidement confirmé par des témoignages d’autres femmes qui avaient participé à ce même Grandeur-Nature ou à d’autres globalement à la même période (entrer dans la douche d’une d'entre elles sans son consentement, prendre des photos pendant qu’elles se changeaient, etc.).
Fin de l'avertissement.
À ce moment-là, bien que j’aie été ferme pour qu'il se fasse expulser du GN et que cette affaire ne soit pas allée plus loin, je me suis sentie coupable de ne pas avoir été plus ferme, de ne pas avoir fait entendre ma voix dans la communauté, parce que mon silence a pu contribuer à augmenter le nombre de victimes. Ça m’a pris des années pour accepter que ce n’était pas ma faute, que ne pas en faire plus en tant que victime est une réaction tout à fait valable. J’étais jeune et je n’avais rien lu, ni ne m’étais informée à ce sujet contrairement à maintenant ; mais être dure envers moi-même ne me mènera nulle part et ne changera pas la situation que d’autres femmes de mon entourage ou moi-même avons vécu.
Alors, si vous vous retrouvez dans une situation où vous vous sentez harcelée ou discriminée, faites tout ce que vous pouvez sur le moment, et ne vous torturez pas si vous n’arrivez pas à aller plus loin. Personnellement, le livre de Potter m’a beaucoup aidée à savoir comment réagir à l’avenir, et j’espère que je vais réussir à appliquer tout ce que j’ai appris au fur et à mesure.
Et maintenant ?
J'espère qu'à travers ce premier article, j'ai réussi à vous donner une idée plus précise sur comment créer des communautés un peu plus sûres, ainsi que la responsabilité qui incombe à chacun et chacune d'entre nous pour atteindre cet objectif. Même si j'en parlerai plus en détail, je ne voulais pas laisser passer l'occasion de noter une série d'actions futures qui, selon moi, seront la clé de voûte de ce sujet pour les années à venir.
Agir en tant que Communauté
En fin de compte, nous avons une responsabilité en tant que communauté pour transformer la petite société que nous formons et créer un espace plus sûr pour tout le monde. Ensemble, nous pouvons mettre en place une série de mesures, non pas dans l'immédiat mais plutôt sur le long terme, pour éviter ces comportements. Je parlerai dans la deuxième partie de cet article de ce qu'on peut faire en tant qu'individu et en tant que membre d'une organisation, mais je ne voulais pas m’arrêter ici sans parler de la mise en place des valeurs et des pratiques qui luttent contre l'abus et l'oppression, et qu'il nous faut parler des comportements abusifs d'autres membres de la communauté. Cela passe par la création d'éléments de sécurité et d'aide aux victimes, et aussi par des mesures dans les cas où on est témoin. Nous formons une seule et même communauté.
Protocoles
Il faut établir des protocoles de gestion des cas de harcèlement, adaptés aux besoins de notre petite communauté. J'en parlerai dans le prochain article, mais je ne veux pas m'arrêter là sans souligner à quel point c'est primordial.
Si vous ne savez pas ce qu'est un protocole, le Santuario de Selene (es) a beaucoup d'informations sur ce sujet, et se fera un plaisir de vous aider pour les intégrer à vos événements.
Se former
On ne naît pas en sachant, et c'est aussi le cas pour les organisations et les espaces rôlistes. Exiger un minimum de sécurité ne suffit pas, il faut aussi
- donner quelques cours pour savoir concrètement comment les mettre en application,
- des ateliers d'aide aux victimes et de gestion de problèmes potentiellement compliqués.
Pour cela, ce serait bien d'organiser des formations pour les organisations qui seraient intéressées, où toutes les personnes impliquées pourraient apprendre des tuyaux sur ce sujet.
Événements sans risque
L'une des choses les plus importantes sera de créer des événements qui ne soient pas biaisés (très souvent inconsciemment !). Pour cela, il nous faudra des groupes de travail et des tables plus diversifiées en termes de genre, d'ethnicité, de présence LGTBI+, etc. On en reparlera, du point de vue de l'organisation, dans la 3e partie de cette série d'articles.
Si vous voulez poursuivre votre lecture, vous pouvez jeter un coup d'œil à :
- Espacios más seguros II: la perspectiva del organizador (es).
- Medidas y protocolos de seguridad, el porqué (es) [~ Pourquoi les protocoles et mesures de sécurité émotionnelle sont nécessaires.]
Ce post n'aurait pas été possible sans votre aide sur Ko-fi, et je vous demande de continuer à m'y soutenir pour mettre en place plein de travaux destinés à rendre plus sûr notre environnement rôliste
Sélection de commentaires
Felix Ríos
Article indispensable. On n'a pas le droit de dire “Je n'ai jamais vu ce problème alors que j'ai X années d'expérience en JdR”. Il faut comprendre et être prêt à aider.
Lobotic
Tout d'abord, merci de t'être décidée à le republier. Hier, je n'avais pas eu le temps de le lire et ça m'a frustré. Une question par rapport à la documentation, en particulier les captures d'écran : j'ai l'impression qu'il faut que ces données soient certifiées d'une manière concrète et officielle pour pouvoir les utiliser en tant que preuves ; je conseillerais donc, si possible et nécessaire, de poser la question à une personne experte du sujet, au cas où. C'est mieux si on les certifie, mais c'est toujours un plus qu'il y ait des captures d'écran pour ensuite pouvoir demander confirmation auprès des entreprises de messagerie et ce genre de choses.
Article original : Espacios mas seguros en el rol (I)
Pour aller plus loin…
- Pour comprendre en quoi certaines attitudes normalisées et "plaisanteries innocentes" sont en fait problématiques, nous vous conseillons la lecture de La Marche manquante ptgptb. Le sentiment d'insécurité qui en découle (en ce qui concerne les personnes de la communauté LGTBQ) est décrit dans L’Humiliation de demander la permission ptgptb.
- Dans son interview ptgptb, la rôliste Sabine nous raconte ses expériences de gestion du harcèlement en club, en convention.
- Nous disposons de plusieurs articles qui parlent du handicap. En particulier, celui-ci ptgptb dispose de plusieurs ressources pour s'informer sur le sujet, que ce soit en milieu rôliste ou non.
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