Création avancée de scénario en nœuds (5-6)

Vers les parties 3-4

Partie 5 - Les deux branches de la création de scénarios

J’ai souvent trouvé utile de visualiser les scénarios d’enquête comme ayant deux branches :

  • Premièrement, les indices nécessaires pour comprendre ce qui s’est passé ou ce qui se passe (comprendre la situation) ;
  • Deuxièmement, les indices qui amènent les PJ vers un autre lieu ou événement où plus d’indices peuvent être collectés (résoudre le scénario).

Ceci est bien sûr quelque peu similaire au concept de la seconde piste [voir Partie 4]. Mais là où une seconde piste représente un ensemble distinct de nœuds. Ici je parle de deux ensembles d’indices séparés qui partagent la même structure.

Bien sûr, en pratique, vous vous retrouverez souvent avec pas mal de chevauchement entre les deux ensembles d’indices : quand les joueurs découvrent qu’Altair Electronics est impliqué d’une manière ou d’une autre dans la récente série de vols en ligne, cela donne une information aux joueurs sur ce qui se passe [comprendre la situation (NdT)], mais les orientera également vers le siège social d’Altair [résolution du scénario (NdT)].

D’autre part, il existe également une exception qui confirme La Règle des Trois Indices ptgptb : dans certains scénarios d’enquête, vous pouvez être certain que les PJ connaîtront certains lieux sans avoir besoin de trois indices (ou d’indices tout court.) Par exemple, si les PJ sont des policiers qui traquent des braqueurs de banques et qu’une autre banque se fait attaquer, on leur demandera de se rendre là-bas.

Dans de tels scénarios vous pouvez simplement et naturellement vous concentrer sur la distribution des indices nécessaires à la résolution de l’énigme (avec trois indices par révélation nécessaire). Mais face à une approche plus traditionnelle de l’approche à deux branches, la chose importante à comprendre est que vous pouvez disperser de manière éparse les indices nécessaires pour résoudre l’énigme - aussi longtemps que vous incluez la densité d’indices nécessaire pour que les PJ continuent d’avancer d’un nœud à l’autre. Il peut y avoir des nœuds entiers qui ne contiennent aucun indice – juste assez d’informations pour passer au nœud suivant (où, espérons-le, on pourra trouver des réponses).

Quelle est la quantité minimale d’indices ? Hé bien, cela dépend de l’effet recherché. Si vous avez une enquête qui est l’arc narratif de toute une campagne, par exemple, il se peut que vous dispersiez ces indices de manière très éparse, sur plusieurs scénarios.

Une autre option consiste bien entendu à varier la densité d’indices. Les nœuds difficiles à trouver ptgptb [voir la 7e partie : « encore plus de schémas de nœuds différents » (NdT)] ou à exploiter (en raison d’une opposition armée, par exemple) pourraient avoir comme récompense des indices plus tangibles pour résoudre l’enquête.

Ou peut-être que plus vous entrez dans une conspiration, plus vous pourriez découvrir d’indices. Par exemple, les premières étapes de la couche d’un scénario en mille-feuilles [voir la partie 6 de Création alternative de nœuds (NdT)] pourraient ne contenir que des indices épars ou énigmatiques.

 

Plus on avance dans le scénario, plus leur densité augmentera et le sens deviendra explicite.

Inversement, il est important de ne pas confondre les indices de résolution de l’enquête avec ceux qui font aller d’un nœud à l’autre. Ce que je veux dire, c’est que le fait d’inclure un indice de la résolution de l’enquête globale dans un nœud ne satisfait pas la réciproque de la Règle des Trois indices ptgptb : si un indice ne vous aide pas à trouver un autre nœud, alors il ne compte pas dans le quota “nécessaire” pour maintenir l’aventure en mouvement.

Partie 6 : Les donjons basés sur des nœuds

On conseille typiquement aux MJ néophytes de concevoir des scénarios « comme des donjons » : remplacer chaque pièce par un endroit ou une scène ; remplacer chaque porte par un indice.

La logique derrière cette approche est assez claire : la plupart des MJ commencent par mener des scénarios d’exploration de donjons, la plupart des MJ remportent un franc succès avec ce type d’aventures, et la plupart des MJ trouvent ce genre de scénarios simples à préparer.

La raison à cela est la clarté de la structure du donjon, son rythme contrôlé par les joueurs eux-mêmes et sa conception robuste. [Plus d’explications dans le chapitre 3 des Structures de Jeu ptgptb]

Mais cette analogie est problématique dans les deux directions. Tout d’abord, comme nous l’avons vu précédemment dans la 2e partie, les portes ou les couloirs d’un donjon constituent une transition solide :

 

Si vous vous trouvez dans une pièce, la présence d’une porte ou d’un couloir menant à la pièce voisine est généralement flagrante et son but évident. Les indices, en revanche, sont fragiles pris de manière isolée : ils peuvent être manqués, mal interprétés ou ignorés.

Les indices permettent également d’établir des relations omnidirectionnelles entre les différents nœuds d’une histoire. Cependant, une porte ne mène pas habituellement à un autre endroit du côté opposé du donjon. La géographie du donjon est rigide - et réversible [on peut revenir sur ses pas et faire le donjon à l’envers (NdT)]. Celle d’une enquête peut être flexible, et est souvent à sens unique, [parce que l’enquête « avance » ; on n’est pas censé oublier/perdre/re-récupérer des indices et des informations (NdT)]).

Donc, en général, je pense que – malgré son omniprésence – c’est en fait un très mauvais conseil à donner aux MJ néophytes(1).

Des Structures robustes

Mais il y a des leçons à tirer de cette analogie.

Premièrement, les donjons fonctionnent parce que les couloirs sont des transitions solides. Par conséquent, nous devrions essayer de trouver des transitions tout aussi robustes dans d’autres structures de scénario. La Règle des Trois Indices ptgptb, par exemple, est une façon d’y parvenir pour un scénario d’enquête.

De même, comme on en a déjà discuté, il est possible que la robustesse typique de la géographie du donjon nous induise en erreur en nous donnant une assurance trompeuse. L’obligatoire porte secrète, par exemple, peut beaucoup fragiliser la structure du donjon. C’est un élément à prendre en compte lors de la création de scénarios d’exploration de donjon.

Des obstacles éphémères

Considérons à nouveau notre exemple de donjon simple :

Remarquez que la structure du donjon « oblige » essentiellement les joueurs à faire l’expérience de la zone B : s’ils pouvaient passer directement de la zone A à leur objectif dans la zone C, ils le feraient. En ce sens, la zone B fonctionne comme un “obstacle” pour les PJ.

La plupart des donjons sont remplis de ce « contenu obstacle » – contenu dont les PJ font l’expérience uniquement parce qu’ils sont obligés de se déplacer physiquement dans ces zones afin d’atteindre celles qui les intéressent.

Mais à mesure que les Personnages-Joueurs deviennent proactifs grâce aux ressources qu’ils ont accumulées, le MJ ne peut plus se contenter de placer d’obstacles sur leur chemin. C’est pourquoi les donjons pour PJ de haut niveau échouent si souvent : les PJ peuvent simplement prédire l’avenir, léviter et voler, remodeler la pierre des murs et/ou se téléporter pour contourner les vieux obstacles géographiques ou basées sur le terrain que le MJ pouvait utiliser auparavant pour les forcer à passer par un endroit particulier.

Certains pensent que c’est un défaut de donner ainsi autant de pouvoir aux joueurs [de leur permettre de « zapper » vos belles salles (NdT)]. J’ai tendance à le voir comme une fonctionnalité. Mais cela signifie que « si vous voulez que vos joueurs partent en voyage, vous devrez rendre chaque arrêt intéressant ». Plus qu’intéressant, même : chaque arrêt doit devenir un centre de gravité (voir Partie 1) capable d’attirer les PJ pour qu’ils y regardent de plus près.

C’est ici que les leçons tirées de la création de scénarios en nœuds peuvent être utilement appliquées à vos scénarios d’exploration de donjons : après tout, une conception nodale efficace se repose sur la création de centres de gravité pour vos nœuds.

Lorsque vous créez vos donjons, regardez chaque pièce ou zone principale : existe-t-il un moyen de faire en sorte d’encourager les PJ à s’y rendre pour interagit avec son contenu ? Ou plutôt, existe-t-il un moyen de rendre le contenu proactif, pour qu’il vienne à la recherche des PJ ?

Navigation de donjon basée sur des indices 

Envisagez aussi ce qui se passe lorsque vous introduisez une navigation basée sur des indices dans le donjon.

Par exemple, les PJ pourraient trouver un journal intime indiquant qu’un « trône d’argent » peut être « poussé sur le côté pour révéler un escalier ». Un tel indice peut facilement les envoyer dans des pièces situées de l’autre côté du complexe souterrain, les pousser à la recherche d’informations supplémentaires sur l’emplacement des trônes d’argent, ou toute variation de ces comportements.

En d’autres termes, les donjons peuvent être considérés comme une collection de nœuds (chaque pièce ou zone étant un nœud distinct). Traditionnellement, nous pensons par défaut  que la transition entre ces nœuds est une affaire strictement géographique. Parfois, nous pouvons également ajouter du contenu déclenché de manière aléatoire [comme des monstres errants (NdT)], mais même lorsque nous le faisons, nous nous limitons toujours.

Il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas mélanger l’exploration de donjon à d’autres formes de navigation nodale (voir Partie 2) : indices, temporalité, du contenu proactif, des pistes, etc.

Le résultat est un scénario de donjon plus riche et plus gratifiant qui impliquera vos joueurs longtemps et de bien des manières.

Articles originaux : Advanced Node-Based Design – Part 5: The Two Prongs of Mystery Design ; Part 6: Node-Based Dungeons

(1)NdT : Zak Smith présente, dans Donjons et Enquêtesptgptb, une structure de scénario d’enquête comme un schéma de donjon :

Toutefois, c’est juste une représentation facile à appréhender ; la même structure peut être représentée avec des nœuds et des flèches entre eux.[Retour]

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