Campagne Ptolus – Oups, j’ai oublié le loup !
© 2018 Justin Alexander
Cet article est tiré d'une série où Justin Alexander revient sur sa maîtrise de la campagne Ptolus grog, une impressionnante campagne pour D&D3.5.
Alors qu’elle s’avançait [vers la table] pour y chercher des compartiments secrets ou quelque chose de semblable, l’illusion qui couvrait la table se dissipa soudainement, révélant un loup gisant dessus. Son dos avait été soigneusement ouvert et les rabats de chair méthodiquement épinglés sur la surface de la table.
Ce moment de la campagne, avec l’illusion s’effondrant pour révéler un loup disséqué fut, en pratique, un bon exemple de "bond d’horreur" [Le fameux Jump Scare des cinéphiles ! (NdT)] en JdR ».
En règle générale, sans des circonstances particulières, vous n’obtenez pas de véritable bond d’horreur dans des jeux de rôle sur table. La narration orale n’est tout simplement pas adaptée pour provoquer un tel effet. Mais il y a des moments très similaires quand des renversements de situation inattendus peuvent être présentés abruptement et provoquer une réponse du genre : « oh merde » autour de la table.
La chute de l’illusion, dans ce contexte particulier, a créé une peur immédiate : le groupe était-il tombé dans un piège ? - Une crainte soigneusement alimentée à travers le Labyrinthe de la Bête par une variété de pièges immersifs, thématiques et perturbants. La gueule repoussante du loup elle-même soulignait cette peur, jouant sur les émotions provoquées précédemment, et les utilisant pour canaliser et accentuer la mise en scène macabre (et ses implications plus horribles encore).
Notez aussi que la forte interactivité de ce moment était importante : si les PJ avaient juste découvert un loup mort, la description les aurait un peu effrayé, tout au plus. Mais l’animation suspendue et la décision implicite de laisser le sort intact ou de le désactiver force les joueurs à s’impliquer dans la scène. Cela rend l’instant encore plus réel et plus significatif qu’une simple description.
Mais si vous réfléchissez un peu à cette scène, vous pourriez être saisi d'une interrogation : pourquoi y avait-il un sort d’illusion ? Malgré le fait que la scène résultante soit plutôt réussie, cela semble un peu étrange pas vrai ?
La raison en est simple : ce n’est pas ainsi que j’avais préparé la scène.
Oups…
Ce que vous lisez là est en fait le résultat d’une erreur. Quand les PJ sont entrés dans la pièce, j’ai mal lu la description de la pièce et n’ai pas décrit le cadavre du loup gisant sur la table.
Zut.
Une fois que j’avais réalisé mon erreur, j’avais plusieurs options :
Premièrement, supprimer complètement le loup.
Je ne l’ai pas décrit. Les PJ ont interagi avec l’environnement comme s’il n’était pas là. Donc il n’est pas là. Il n’y a jamais été. Les notes ne sont jamais passées de la préparation à la "réalité" jouée à la table !
S’il s’agit d’un détail secondaire, ça peut souvent être la façon la plus simple de procéder. Dans le cas du loup, c’était, en grande partie, secondaire. Mais c’était vraiment cool (pour ce que je peux en juger par moi-même) et ç’aurait été une honte de le perdre.
Deuxièmement, la simple rétro-narration.
« Oups, j’ai oublié de mentionner qu’il y a un loup mort sur la table d’opération. »
Cette approche est plutôt directe, évidemment. Le problème est qu’une telle rétro-narration ouverte interrompt complètement le cours naturel de la partie et la description du décor. Le plus souvent, cette interruption n’est pas assez importante pour poser problème, mais parfois c’est le cas. Par exemple, si les PJ ont déjà commencé à agir d’une manière qu’ils n’auraient pas choisi s’ils avaient eu l’information que vous avez oublié de leur donner. (Gérer cet exemple précis est un sujet que j'aborde en long et en large dans MJ, ne faites pas ça n°1 : la Réalité à géométrie variable quefaitesvous)
Dans notre cas, les PJ n’avaient pas commencé de telles actions, mais je savais qu’une rétro-narration aurait brouillé l’impact de la scène - leur attention aurait été complètement absorbée par cette rétro-narration plutôt que par la description. Et puisque tout le but du cadavre était cette image macabre, brouiller l’impact de la scène aurait été contraire à l’objectif.
Troisièmement, vous pouvez intervertir les salles.
Cette technique marche particulièrement bien s’il y a de nombreuses pièces similaires dans la zone. Par exemple, les PJ sont censés trouver une robe avec des traces suspectes dessus. Vous vous emmêlez les pinceaux et oubliez de leur donner l’indice dans la Chambre à coucher des Maîtres. J’imagine que la robe est dans l'armoire d’une autre pièce, ou peut être en bas dans la buanderie.
Donc s’il y avait eu une autre salle d’examen adéquate non loin, j’aurais pu juste déplacer le cadavre du loup là-bas.
Quatrièmement, créer une raison pour que votre ratage n’en soit pas un.
C’est ce que j’ai fait avec le loup. Pourquoi n’ont ils pas remarqué le loup sitôt qu’ils sont entrés dans la pièce ? Car il y avait un sort d’illusion qui le leur dissimulait.
En gros, ceci déplace le loup du statut "remarqué par une observation passive" (et qui se déclenche donc automatiquement ptgptb) vers le statut "qui requiert une action de la part des PJ" (ici, interagir avec l’illusion). Mais vous pouvez appliquer la même technique de différentes manières : ce PNJ aurait vraiment dû leur parler de la relation du duc avec la comtesse Lovelace. Pourquoi ne l’a t-il pas fait ? Fournissez une explication. Chantage ? A-t-il un objectif personnel entraînant un conflit d’intérêt ?
Ce qu’il y a d’intéressant avec cette technique, c’est qu’elle crée souvent un intérêt supplémentaire : le bond d’horreur lorsque l’illusion est tombée était réussi. Un PNJ avec un objectif personnel secret sera probablement plus intéressant (et le scénario en sera plus dynamique).
La difficulté est qu’il y a sans doute une raison pour laquelle cette couche d’intérêt supplémentaire n’existe pas en premier lieu. (Ou peut-être pas, les bonnes idées se développent en jeu tout le temps.) Il peut être compliqué de s’assurer que la continuité va dans le sens de votre explication rétroactive cachée.
Par exemple, que faire si les joueurs cherchent à comprendre pourquoi il y avait un sort d’illusion recouvrant la table d'opération ?
Premièrement, vous devez avoir au moins une vague idée de pourquoi votre rétro-narration est logique, même si ça ne fonctionne pas à 100 % dès le départ. Dans ce cas, mon argument était que le loup, en plein milieu d’une chirurgie, était vraiment dégueu. Personne ne veut regarder ça. Autant y jeter un sort d’illusion pour ne pas l’avoir sous les yeux pas vrai ?
Deuxièmement, vous pouvez tirer profit du fait que les problèmes de continuité qui vous semblent flagrants de votre côté de l’écran, sont bien moins importants pour les joueurs. L’illusion dissimulant le loup, par exemple, a fini par être considérée comme une sorte de logique frigorifique.
Troisièmement, vous pouvez juste sourire de façon mystérieuse. Vous n’êtes pas obligé de tirer le rideau de votre campagne et d’en expliquer le fonctionnement interne. Si quelque chose semble mystérieux aux joueurs et qu’ils veulent chercher à en comprendre le pourquoi et le comment, la charge leur incombe de faire agir leurs personnages pour le déterminer. Et pendant ce temps, vous aurez probablement le temps de peaufiner votre explication initiale pour la rendre parfaitement logique.
Conclusion
Il est à noter qu’aucune de ces techniques n’est idéal. Dans un monde idéal, déjà, vous ne foirerez pas la description de la salle, n'est-ce pas?
Article original : Ptolus: Running the Campaign – Whoops, Forgot the Wolf
Les Justifications Manifestement Absurdes ptgptb permettent d'intégrer des éléments plus amusants et plus jouables, au détriment de la vraisemblance, et il n'y a pas de honte à cela.
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