Comprendre le genre dans le Jeu de Rôle


Ceci est une discussion générale du concept de genre et de comment il s’applique aux JdR. Au sens large, un “genre” est simplement un ensemble d’histoires qui se ressemblent d’une façon ou d’une autre. Une “convention de genre” est tout ce que les histoires de cet ensemble peuvent avoir en commun. Cela peut être n’importe quelle sorte d’histoire – même les non-fictions. Par exemple, le “roman-réalité” est un genre non-fictionnel qui a des conventions distinctes.

De manière générale, je recommanderais au MJ et aux joueurs de se mettre d’accord sur le genre de la campagne – et de prendre note des différences entre le genre du jeu, ses inspirations littéraires, et la réalité.

Genre et réalisme

Tous les jeux appartiennent à un genre, dans le sens large du terme -- même s’ils se résument à de pures exercices tactiques ou à des simulations réalistes de la vie quotidienne. Certains genres sont réalistes. D’autres, que j’appellerais “genres stylisés”, sont intentionnellement irréalistes.

Les genres stylisés incluent les super-héros de comics, la fantasy et le space opéra – des œuvres souvent désignées comme des “livres de genre” (ou des “films de genre”) par opposition à la fiction classique. Une distinction simple serait que, pour résoudre une situation compliquée, un écrivain de fiction réaliste se tournera vers des sources documentaires pour en déterminer la solution. Un auteur de genre stylisé prendra en compte ce qui se passe dans des sources de fiction. Par exemple, est-ce que tu vas chercher tes lasers dans des manuels du monde réel, ou est-ce qu’ils marchent comme dans les BD?

Comme exemple de genre réaliste, j’ai mené une campagne cyberpunk dans un futur proche. En tant que MJ, j’avais défini un adversaire PNJ qui utilisait un gaz neurotoxique comme arme de dernier recours. Cependant, lorsqu’il apparut dans l'aventure je fut interrompu par un joueur qui avait étudié les vraies neurotoxines. Il m’expliqua que même avec des avancées raisonnables de la sciences, il y avait des limites physiques à la vitesse à laquelle le gaz faisait effet (de l’ordre de trente secondes, si je me souviens bien). Comme j’avais défini ça comme une partie réaliste, j’ai pris son argument en compte et j’ai changé le mode d’opération du gaz.

D’un autre côté, un genre réaliste suivra toujours un genre et des conventions de genre. Par exemple, beaucoup de JdR réalistes empruntent les conventions du genre “naturaliste”, un genre de romans qui se concentrent sur la vie quotidienne de gens ordinaires. L’équivalent dans les jeux de rôles est que les campagnes “réalistes” ne traitent pas de personnages extraordinaires, même si de tels personnages existent dans l’univers du jeu. Par exemple, GURPS Martial Arts décrit les campagnes “réalistes” ainsi :

Dans une campagne vraiment réaliste, tous les PJ seraient conçus avec à peu près 25 points, [au lieu de 100 points de création pour un PJ standard (NdT)] et n’importe quelle situation risquée balaierait la moitié d’un groupe d’aventuriers immédiatement […] et des mages réalistes ne seraient pas capable d’exploser des armées avec un sort.

Bien sûr, ce qu’un mage peut ou ne peut pas faire avec un sort n’a rien à voir avec le réalisme. C’est plutôt une convention du naturalisme qui dit que les protagonistes sont proches des gens normaux.

Cela n’a peut-être pas été imaginé comme une convention de genre, mais c’en est une tout de même. En fait, il y a des conventions de genre qui sont des choix conscients des joueurs - et d’autres qui sont des tendances inconscientes. Je vous encourage à réfléchir à toutes vos tendances et vos choix comme faisant partie d’un genre – sans tenir compte de leur réalisme. Un désir conscient d’imiter la réalité sur quelques domaines est tout aussi significatif qu’un désir de s’en échapper.

Se mettre d’accord sur le genre de la partie

Une différence fondamentale entre les jeux de rôle et la fiction, c’est que les JdR sont créés interactivement. Cela signifie que les participants peuvent avoir des idées différentes sur le genre et ce qu’il signifie. Vu qu’ils fabriquent l’histoire tous ensemble, le MJ et les joueurs ont besoin de discuter du genre qu’ils essayent de suivre. Un manque de communication ou un malentendu à propos du genre peut provoquer des disputes et une mauvaise ambiance.

Certaines conventions sont inhérentes au choix du système de jeu ou de l’univers. Par exemple les joueurs attendent de Toon de Steve Jackson Games qu’il suive les conventions du genre des cartoons des Frères Warner. Les joueurs attendent d’un jeu qui prend place dans la Terre du Milieu de Tolkien qu’il suive les autres conventions de genre des histoires de Tolkien.

Cependant, ces participations peuvent causer des confusions. Par exemple, un joueur qui rejoint une partie se déroulant en Terre du Milieu s’attend peut être sur un plan émotionnel à ce que les histoires de la partie soient fidèles à l’esprit et aux idéaux de Tolkien. Lorsque le jeu s’en écarte, il a l’impression que la partie “part en couille” et il n’apprécie pas.

Inversement, un MJ peut mener une partie dans l’univers de Star Trek - et se représenter les PJ comme ayant de grandes valeurs morales. Lorsqu’au lieu de ça les PJ font un sale coup vraiment méchant pour obtenir ce qu’ils veulent, ça l’énerve et il voudrait les “punir”. Ca n’a rien de fondamentalement mal qu’une histoire se déroule dans l’univers d’un auteur sans respecter toutes ses conventions. Toutefois, un malentendu là-dessus peut interférer avec le plaisir que les joueurs retirent du jeu.

Types de conventions de genre

En discutant des conventions de genre avec les joueurs, il peut être utile de les regrouper en trois catégories de base :

  • Les conventions de l’univers incluent tout ce qu’un personnage de l’histoire peut possiblement savoir. Par exemple, dans le Space Opera, on peut voyager plus vite que la lumière entre les systèmes stellaires habités.
  • Les conventions de personnages sont des conditions sur le choix de la sorte de personnage de l’univers comme protagonistes. Par exemple, dans le genre naturaliste les protagonistes sont des citoyens moyens.
  • Les conventions narratives sont des conditions sur ce qui peut arriver au cours de l’histoire. De telles conventions sont habituellement associées aux genres stylisés : par exemple un grand méchant s’enfuit presque toujours, le héros ne meurt jamais, etc. Cependant les genres réalistes peuvent aussi avoir des conventions narratives. Par exemple, le carnet de voyage est un genre documentaire d’un explorateur écrivant sur ses voyages passés. Le lecteur sait que l’explorateur ne mourra pas.

Les conventions de monde sont habituellement traitées dans le background du JdR. C’est généralement le domaine du MJ, bien que certains groupes se partagent l’édification du monde entre joueurs. Évidemment le MJ a la responsabilité d’expliquer l’univers du jeu aux joueurs. Il devrait faire attention si le background n’est pas ce qu’il semble être – c’est une question de connaissance de ses joueurs.

Les conventions de personnages sont traitées d’habitude pendant la création de personnage. Les joueurs en sont théoriquement responsables, mais souvent dans les limites établies par le MJ. La plupart des méthodes de création de personnage sont assez minutieuses, mais certains sujets sont souvent sautés. Par exemple, la moralité des PJ est très importante : pas seulement savoir s’ils sont bons ou mauvais, mais les détails sur comment ils font face aux questions morales.

Un autre sujet est : comment ils se comportent en tant que groupe – agissent-ils toujours en équipe, par exemple, ou peut-être s’aident-ils les uns les autres, mais finissent par trouver leurs propres chemins? Il est important de prendre en compte non seulement ce que les personnages sont au début, mais aussi leur évolution sur leur arc narratif au fil du temps. Les conventions narratives sont les plus difficiles : étant donné l’histoire dynamique que produit le JdR, le MJ et les joueurs ont généralement besoin de coopérer pour que les conventions narratives fonctionnent. Le JdR diffère des autres médias par la manière dont l’histoire est écrite.

Dans un film, le scénariste contrôle à la fois le protagoniste et l’intrigue au sens large. Le directeur et les acteurs réalisent et ajustent cette vision mais en conservent les bases. Dans le JdR, les joueurs sont responsables des choix des protagonistes, qui sont habituellement au centre de l’intrigue. Le MJ contrôle le décor et l’opposition des protagonistes.

Par exemple, j’ai mené une longue campagne se déroulant dans l’univers de la série originale Star Trek [1966-68]. Une chose que je pense avoir plutôt bien réussi, c’était que chaque épisode impliquait une allégorie science-fictionnelle d’un problème moral ou social. Cependant, le succès des épisodes était variable. De manière général, ils marchaient mieux quand les PJ assumaient une position audacieuse. Peu importe ce qu’était cette position, cela menait à une conclusion forte qui correspond au genre. Cependant s’ils débitaient des platitudes sur la question, l’épisode se terminait en queue de poisson. La leçon que j’en retirai un peu tard était que le genre dépendait plus des joueurs que de moi.

article d'origine : Understanding Genre in Roleplaying

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Pour aller plus loin…

inscrivons maintenant le genre dans les règles avec Réifier les conventions de genre.

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