Xyrop : mon expérience de créateur et d’éditeur

NdlR : Le Grog d’Or 2025 a été attribué à Sans Coeur. Mais nous nous sommes intéressés au Grog d’Argent, Ultime Vengeance 3D. Ludovic “Xyrop” Schurr s’est engagé à tout révéler sur son expérience de créateur et d’éditeur “indé” !

Sans surprise, les liens des jeux renvoient vers le Grog !

Couverture de UV3D "le jeu de rôle de TOUS les cinémas d'action" : pellicules de films croisées

Présentation de UV3D par le Kamarade Président du Grog

Cette année, les matelots ont fait la part belle aux jeux de rôle indépendants. (...)

Ludovic Schurr est un nouveau venu dans le monde de l'édition. Mais son amour pour Extreme Vengeance l'a convaincu de sauter le pas pour en refaire une nouvelle édition améliorée, à destination du public francophone qui aurait pu encore ignorer cette pépite. Avec Ultime Vengeance 3D, c'est une manière différente de jouer qui est proposée. Car en jouant les acteurs et non les personnages, l'enjeu n'est plus de réussir sa mission, mais de le faire avec panache. Il n'est ici jamais question de chercher la facilité, car au cinéma, la chance et le public ne sourient qu'aux audacieux. L'approche meta de ce jeu permet de pleinement jouer avec les codes du genre, de modifier le script, et surtout d'oser entreprendre des actions improbables.

source : éditorial du Grog d’Or 2025

Bonjour Ludovic. Pourrais-tu te présenter et ta profession dans le civil ? :)

Bonjour, je m’appelle Ludovic “Xyrop” Schurr. Dans le civil, je suis juriste, avec une spécialisation en droit de l’informatique et droit d’auteur. J’ai aussi exercé comme avocat pendant quelques années, et brièvement comme directeur de projets web.

Okay, maintenant ton parcours rôliste? :) Les JdR que tu aimes, ceux que tu as beaucoup joué, ceux qui t'ont influencé ? :)

J’ai découvert le JdR quand j’avais 6 ans, en 1984 avec la boîte Initiation au jeu d’aventure de l’OEil Noir, version Schmidt France, offerte par mes parents pour Noël - les pauvres, s’ils avaient su ! Pendant des années, je me suis projeté dans l’Aventurie, dévorant suppléments et scénarios, les lisant et relisant, créant des dizaines de personnages, m’extasiant devant les jeux du Catalogue Jeux Descartes que je ne posséderais jamais, essayant sans succès d’organiser des parties avec des camarades d’école puis de collège. Rejoindre des groupes existants fut tout aussi difficile, car ils tiraient un peu trop de jouissance narquoise de leur aura de “nous on sait ce que c’est, et pas toi”.

C’est au lycée que je me suis vraiment lancé : l’Appel de Cthulhu, Elric!, Vampire. Mon lycée se trouvait juste à côté des boutiques du 5e arrondissement de Paris, donc je passais mes midis à feuilleter tous ces ouvrages que je ne pouvais pas acheter. Mais - j'ai un peu honte de le dire - j’empruntais tous les JdR que je pouvais pour les photocopier.

Très vite, je me suis aperçu qu’il était plus facile de rejoindre ou de constituer un groupe en se tapant la “corvée” (que j’adorais) de Meneur de Jeu. En 1992, je suis déjà en train de travailler à l’écriture de JdR ; comme beaucoup, je n’ai jamais cessé d’écrire des JdR, mais toutes mes œuvres sont loin de mériter une divulgation.

J’ai constitué le noyau dur de mon groupe actuel au club JdR de ma faculté de droit, et c’est aussi à ce moment-là que je me suis intéressé à autre chose que le tout-venant rôliste parce que c’était plus facile d’attirer l’attention des autres joueurs en apportant des nouveautés. Comme je n’avais pas de quoi me payer des ouvrages neufs, j’écumais les boutiques à la recherche des JdR les moins chers possibles, ce qui souvent signifiait des machins presque totalement inconnus. Une part importante de ma ludothèque rôliste est donc constituée de bizarreries.

C’est au même moment que j’ai visité des conventions et découvert le GroG, d’abord en tant que joueur, mais très rapidement en tant que démonstrateur de JdR insolites fichés sur le site mais que peu de MJ possèdent ou voudraient faire jouer.

Le Jeu de Rôles qui m’a le plus influencé est Over the Edge (1992) (Conspirations en français), de Jonathan Tweet. C’est le premier JdR que j'ai acheté avec mes propres deniers, le premier que j’ai maîtrisé très sérieusement.

Couverture de Over The Edge (gens louches dans une rue la nuit)

Ce jeu a lancé tout le loisir dans le “narrativisme”. À ma connaissance, c'est le tout premier JdR où les persos sont définis par des traits et aspects non préétablis, où les joueurs ont une liberté presque totale dans la création de leur personnage, et où le cadre de jeu lui-même dépend de ces choix : par exemple, si un joueur veut jouer un sorcier à la Harry Potter, alors ce type de sorcellerie existera dans le monde de jeu. Il veut jouer un vampire Malkavien ? Eh ben les vampires du jeu éponyme existeront. L’impact séminal de cette approche a été considérable pour moi-même comme pour la plupart des gens qui ont découvert ce jeu.

Cette découverte m'a incité à continuer d’écumer les boutiques à la recherche de propositions de jeu originales ou de trouvailles exceptionnelles en termes de règles ou d’univers.

Et c’est là que j’ai trouvé le deuxième JdR qui m’a le plus influencé, à savoir Extreme Vengeance dont Ultime Vengeance 3D est le rétroclone français.

Couverture de Extreme Vengeance : gars musclé, armé d'un pistolet et d'une épée; suspendu à une corde le long monument

En termes de contexte, Feng Shui (1996), Hong Kong Action Theater! (1996) et Extreme Vengeance (1997) s’inscrivaient dans cette tendance d’émulation des univers des films - notamment hongkongais - en JdR. Extreme Vengeance se démarquait de ses prédécesseurs en adoptant une approche plus large que le seul cinéma asiatique et remettait en cause des principes qui me semblaient jusqu’ici fondamentaux en JdR, comme par exemple :

  • “plus c’est difficile, moins on a de chances de réussir”,
  • ou “les échecs critiques sont des situations négatives pour les joueurs”,
  • ou encore “les blessures provoquent l’attrition des points / niveaux de vie”.

Je m’interroge alors : quels autres éléments peuvent être remis en question ? Jusqu’où puis-je aller dans l’épure ?

La troisième grosse influence sur ma manière d’appréhender le JdR vient de mon expérience professionnelle : mes premiers mentors étaient des gens ambitionnant d’atteindre un niveau de qualité total par la mise en œuvre rigoureuse d'une approche méthodologique systématique, et de cycles d’amélioration vertueux (roue de Denning, etc.). Leur conviction, c'est que la totalité des activités humaines peut être optimisée pour maximiser leur résultat attendu.

J’ai fini par penser qu’une telle approche pouvait peut-être s’appliquer avec succès aux parties de JdR. Beaucoup de “fondamentaux” rôlistes résultent simplement d’un arbitraire inconscient de la part des auteurs et MJ. D'autant plus qu’au même moment, je participais - comme joueur et MJ - à des parties de démo avec le GRoG dans des conventions, qui oscillaient entre le génial et le très médiocre.

Forcément, je me demande pourquoi certaines parties sont réussies et d'autres non, et s'il on peut aborder les choses de manière rationnelle afin de s'assurer qu’une partie de JdR ait une chance de tutoyer le sublime ou évite au moins la catastrophe.

Un autre membre du GRoG a pour métier la qualité, et nous commençons à travailler à une cartographie des flux informationnels et des processus d'une partie de JdR afin d’identifier les points de défaillance de ces flux, imaginer des méthodes pour les prévenir, et trouver des axes d’optimisation. Nous ne l'avons jamais terminée, mais cela m'a permis d’affiner ma propre conception du “métier” de Meneur de Jeu.

Bon, on te connait pour des articles rôlistes très sérieux, comme “La maîtrise de jeu stratégique” qu’on a traduit, et ces conférences pour D1000&D100…

Oui, c’est à peu près à ce moment que je donne des conférences pour le GRoG puis pour D1000&D100 - parce que je sais m’exprimer en public et parce que je pense qu'il m'est nécessaire de transmettre ce que j'ai compris sur notre loisir afin que d'autres s’emparent des outils intellectuels que je propose, pour eux-mêmes ou pour en faire quelque chose d'encore plus élaboré.

Bannière du blog de Xyrop

J’utilise les supports de mes conférences pour créer des articles plus complets sur mon blog Xyrop.com. Ceci me permet de structurer un certain nombre de mes “découvertes” comme par exemple le paradoxe des points de vie (https://blog.xyrop.com/post/paradoxe-PV).

Également, j’explore les notions de droit d’auteur et de parties de JdR - puisqu’on peut se demander si la narration créée par les participants au cours de la partie est une œuvre. Aussi, j’ai travaillé professionnellement sur un énorme contentieux relatif aux licences libres & open source, et ça a eu un impact sur la manière dont j’aborde la création en général et celle d’UV3D en particulier.

D’ailleurs tu as créé une licence libre destinée aux JdR, la licence TGCM. Pourquoi est-ce que tu ne l'as pas utilisée pour Ultime Vengeance 3D ?

La licence TGCM xyrop (qui ne veut pas dire Ta Gueule C’est Magique, mais licence Triskell : Gestion Contractuelle des Mécaniques de jeu) a été créée pour le JdR Ynn Pryddein suite à la controverse sur la licence OGL1.1 dans un contexte bien déterminé, pour maximiser la diffusion d’un système de jeu donné de manière conforme au droit de la Convention de Berne.

En ce qui concerne UV3D, je souhaite garder un contrôle sur la diffusion du système parce que Tony Lee continue de travailler sur des variantes de celui-ci, et je ne veux pas prendre le risque d’impacter ses projets à venir.

Vu cet intellectualisme, c’est un peu surprenant de voir que tu es fan des films d’action hollywoodiens ? :)

J’aime le cinéma en général, films “classiques” comme films de genre. Mener des parties m’a toutefois incité à regarder beaucoup de films dont l’intrigue et/ou les péripéties sont directement adaptables en JdR : films d’action hollywoodiens notamment, mais pas que.

Il n’y a pas trop d’univers dans UV3D, sinon l’univers du cinéma. J’avais quelques fantasmes de scénarios ultra-cinématographiques (par exemple écrire un scénario de James Bond 007) - et travailler sur UV3D était une manière de les concrétiser.

Quand tu développes un jeu, tu pars de quel principe : le système ou le monde de jeu ?

Je suis un grand amateur de systèmes de jeu en tant que joueur et MJ, et j’aime beaucoup les mécaniques simples et directes. Même les systèmes très complexes peuvent m’attirer s’ils sont élégamment conçus.

Je pense que la création du système et de l’univers doivent être indissociablement intriquées. Les personnages-joueurs interagissent avec l’univers de jeu, mais les règles représentent d’une certaine manière les lois physiques et métaphysiques de l’univers. Par conséquent, je conçois habituellement les règles dès l'origine parce que les effets qu’elles simulent vont nourrir ma créativité.

Par exemple, je suis contraint de me demander “Pourquoi est-ce que la magie fonctionne comme ça dans l’univers ? Que représentent concrètement des Points de Magie ?”. Si je ne peux répondre à cette question de manière convaincante et intradiégétique, je vais probablement abandonner la mécanique des points de magie pour la remplacer par un autre mécanisme qui collera mieux à l’univers.

C’est pourquoi je n’adhère pas trop à l’antienne “Bah tu prends Cthulhu et tu adaptes”. Les règles d’un JdR particulier, tant dans leur ensemble que séparément, doivent aller au-delà de simplement servir le propos de l’univers : elles doivent dialoguer avec lui, l’enrichir en accentuant ses points forts plutôt que simplement proposer des mécaniques d’arbitrage.

Quand j’écris un point de règle, c’est en général moins “parce que ça me plaît” que “parce que ça va apporter quelque chose d’intéressant à la narration”.

Ainsi, j’ai participé à l’écriture des règles du JdR Ynn Pryddein d’Hervé Bourgade (à paraître). Je suis intervenu à sa demande pour introduire une approche encore plus narrative, renforçant l’interaction entre les règles et l’univers de fantasy celtique qu’il a créé.

couverture de Ynn Pryddein le jeu de rôle de fantasy celtique

Comme UV3D est un rétroclone de Extreme Vengeance, le boulot en termes de règles était prémâché par Tony Lee qui avait fait un gros travail de remise en question de pas mal de préconceptions des JdR classiques. Pour la petite histoire (que je tiens de Tony lui-même), Extreme Vengeance résultait d’un pari entre Lester Smith et Tony Lee d’écrire un JdR avec le moins de caractéristiques possibles. Tony Lee avait réduit les caractéristiques à 2 : Guts & Coincidence. Lester Smith, dans son JdR Zero, n’avait conservé que l’unique caractéristique Focus.

Cependant, je ressentais au cours de mes démos que les règles de Extreme Vengeance n’allaient pas encore tout à fait à l’essentiel. “Less is more” est souvent vrai en conception d'expérience utilisateur / interfaces, et ça m’a guidé dès le début de l’écriture.

Parfois je perdais ce principe de vue, en conservant des mécaniques de EV sans y réfléchir, mais les très nombreux playtests d’UV3D m’ont permis d’éliminer le superflu, m’obligeant parfois à réécrire une part significative du livre sur la base d’une critique justifiée d’un playtesteur.

Quelles questions te poses-tu avant de créer un jeu ? Te demandes-tu si ce que tu comptes faire n’a pas été exploité avant ? Te demandes-tu à quel type de public il est destiné et vers quoi il va les amener ?

Quand je crée un jeu, c’est pour moi-même, afin de répondre à des besoins auxquels les jeux que je connais ne répondent pas, ou pas suffisamment à mon goût. Je fais donc une recherche d’antériorité, pour identifier un JdR déjà existant répondant à mes besoins et m’évitant de réinventer la roue.

Par exemple, je me suis souvent demandé comment jouer une créature de l'espace façon Alien, ou une fourmi type Bernard Werber - au point de commencer à réfléchir sur le concept. Et puis j'ai découvert La Couvée qui répond à ce cahier des charges de manière satisfaisante, ce qui m'a donc évité de devoir l'écrire moi-même.

Couverture de La Couvée, "le JdR des bestioles de l'espace"

Je ne me pose pas trop de questions sur le public, puisque mon public principal c’est moi-même. Et je ne suis pas un public indulgent, loin de là : quand je ne suis pas satisfait d’un point de règles ou d’un élément de l’univers, je réfléchis autant de temps que nécessaire, et je fais des playtests pour trouver une solution.

Quand tu réalises un jeu, est-ce que tu l'as longtemps médité ? Je veux dire: est-ce que le monde a longtemps existé dans ton imaginaire avant ?

Pour Héros comme Trois Pommes, j'avais depuis longtemps envie de faire jouer des histoires façon Goonies ou 3 Jeunes Détectives d’Alfred Hitchcock à mon groupe de jeu. Je m'y suis essayé en menant une partie de Lone Wolf RPG (version Mongoose). La partie s’est bien passée, mais je me suis rapidement heurté à des contradictions entre mes ambitions et ce que permettaient les règles - et c’est pour ça que j’ai créé H3P, pour permettre de jouer aussi longtemps que possible des personnages avant qu’ils ne soient niveau 1, et leur faire vivre des campagnes entières. J’ai sorti une version assez complète en JdRa, mais la version suivante est pour l’instant en pause pour quelques problèmes de compatibilité avec D&D5, et le fait que la série Stranger Things sortie 2 ans plus tard ait lancé la mode des JdR où on joue des enfants : je n’apprécie pas de passer pour un “opportuniste”. Peut-être que Héros comme Trois Pommes reviendra un jour sous une version allégée ?

Pour Paris Dessous (déjà envoyé aux souscripteurs et à paraître le 5 septembre 2025), j’ai aimé le roman Neverwhere de Neil Gaiman et j’ai donc acheté le JdR Underworld de Gareth-Michael Skarka. Déçu et frustré de constater que son setting était celui du New York souterrain, j’ai immédiatement eu envie d’en faire une version parisienne, qui semble-t-il n’existait pas, me parlerait plus, et j’ai mûri l’univers pendant des années.

Le déclic qui m’a poussé à matérialiser Paris Dessous, c’est surtout la nécessité de m’aérer l’esprit - quand je saturais de travailler sur UV3D - en m’amusant à imaginer un univers dark fantasy baroque basé sur des calembours odieux. Je n’aurais jamais imaginé qu’il soit un jour publié, et la proposition des XII Singes m’a énormément surpris - d’ailleurs tout comme le fait que des gens soient intéressés par mon travail.

Pour Ultime Vengeance 3D, l’idée de faire un rétroclone français m’a été soufflée par un joueur à la suite d’une démo de Extreme Vengeance. J’avais justement quelques idées d’amélioration de règles, et une version française de EV serait plus accessible pour des francophones.

Combien d’années entre l’idée d’écrire Ultime Vengeance 3D et la version que tu envoies à l’imprimeur?

J’ai écrit la toute première ligne d’UV3D au tout début de 2017, 20 ans après Extreme Vengeance de Tony Lee. L’imprimeur a reçu les fichiers en mai 2024.

Est-ce que ta famille sait ce que tu fais? Vont ils tester les jeux avec toi et si non : qui est là pour toi pour tester et retester un jeu ?

Mes activités rôlistes ne sont pas un secret pour ma famille et mes proches. Mes parents ont lu Ultime Vengeance 3D et en ont conclu que j’étais quelqu’un de “cinéphile mais… bizarre”. Mais ils se sont bien amusés à la lecture de Paris Dessous.

Je fais en général des playtests avec mes copains de JdR depuis la fac ; avec le groupe de JdR d’un ancien collègue ; mais aussi avec de courageux volontaires qui viennent participer à mes démos en convention.

Est-ce que tu te considères comme le seul auteur de UV3D ? Quels ont été les apports extérieurs (entourage pour des conseils, la relecture…) ? C’est le moment de remercier des gens ! :)

Je suis un nain sur les épaules de géants. Beaucoup de gens m’ont aidé et soutenu dans l’écriture d’Ultime Vengeance 3D, et j’ai essayé de tous les remercier dans les crédits, mais si je ne devais en mettre que 3 sur le podium, ce seraient les suivants:

  • Tony Lee, défricheur de la mécanique générale de Extreme Vengeance, reprise et poussée à son paroxysme dans UV3D.
  • Ma directrice artistique Nhatrang, envers qui j’ai une énorme dette. Elle a globalement tous les talents mais surtout celui de me soutenir et de me conseiller dans la réalisation des visuels (et parfois mettre la main à la pâte pour une retouche ou une fausse affiche).
  • Hervé Bourgade, qui a fait partie de mon vieux groupe de rôlistes depuis la fac, et qui m’a permis de reprendre son synopsis pour U.S. Drugs Commandos, adapté et étendu pour en faire un scénario complet.

1e parge du scénarios US DRUGS COMMANDOS "ils sauveront l'Amérique": gros flingues, SWAT et hélicos

À quel moment t’es-tu dit : “bon, je vais le publier et le vendre”, ce qui est le passage du statut de JdR Amateur à JdR professionnel?

J’ai écrit un premier jet d’UV3D assez abouti, et je voulais simplement passer par un prestataire de PoD pour faire imprimer mon exemplaire, pas plus.

En découvrant le projet, un joueur d’un de mes groupes habituels m’a suggéré de passer par un financement participatif. Ceci avait quelques conséquences importantes, car en ouvrant publiquement le financement de l’impression du jeu, je devenais auteur auto-édité.

Mon premier réflexe a été d’essayer de contacter Tony Lee pour l’informer du projet. En effet, les mécaniques de jeu ne sont pas protégeables par le droit d’auteur de sorte que les rétroclones sont bien entendu légaux (lorsqu’ils sont correctement réalisés), mais en me mettant à la place de Tony, j’avoue qu’il ne m’aurait pas été totalement agréable d’apprendre qu’un tiers cannibaliserait mon oeuvre. Non seulement Tony a reçu l’idée avec beaucoup d’enthousiasme, mais il m’a en outre spontanément envoyé le manuscrit terminé d’un supplément pour Extreme Vengeance jamais publié à l’époque par son éditeur Archangel Entertainment avant la faillite de cette entreprise. C’est lui qui a écrit l’essentiel de la liste noire des grands méchants et des organisations ennemies dans Ultime Vengeance 3D.

Tony est donc devenu mon collaborateur officiel, et je me suis remis sur le projet (que je pensais terminé) pour le rendre nettement plus professionnel et honorer la confiance que m’avait accordé Tony. J’ai fait un kit de démo gratuit en PDF

Couverture du Kit d'initiation : homme asiatique en costard et fusil-mitrailleur sur fond d'explosion au-dessus d'une église en briques

et tiré à environ 70 exemplaires physiques sur mes propres économies - je n’en avais pas assez pour en produire plus.

Cela permettait de tester l’intérêt du public rôliste pour UV3D. Les retours étant systématiquement très positifs, j’ai persisté dans la démarche.

Tout ceci s’est fait de manière assez naturelle et organique, en somme.

As-tu cherché un éditeur pour Ultime Vengeance 3D, avant de te lancer en solo ?

Oui, j’ai un peu cherché en distribuant le kit de démo à des éditeurs installés, mais je ne suis pas certain d’avoir suscité un intérêt, même poli. Le fait qu’UV3D ait été élu Grog d’Argent 2025 va peut-être faire bouger les choses ? Je suis à l’écoute de toutes propositions.

Qu'est-ce qui a fait que tu es resté seul sur le projet ?

Je l’ignore. J’avais (longuement, c’est mon métier) négocié un contrat avec un facilitateur (plus qu’un éditeur) qui a finalement préféré ne pas conclure l’accord pour des raisons qui lui sont personnelles et que je comprends. Au final j’étais tellement avancé dans le processus de création qu’interagir avec un nouvel éditeur aurait été pour moi une dépense de temps et d’énergie pas forcément utile. La flemme, donc.

Quand je me suis senti prêt, j’ai donc directement lancé un foulancement sur Game on Tabletop.

Comment as-tu trouvé ton imprimeur ?

En remontant la rue de mon ancien appart. Je voulais éviter de faire appel à des prestataires d’impression étrangers pour les raisons suivantes:

  • priorité à l’économie locale;
  • simplicité logistique (c’était vraiment pas trop loin de chez moi pour la livraison);
  • facilité de communication.

Clairement, ce n’était pas le choix optimal économiquement : si j’avais fait imprimer en Pologne ou en Chine, j’aurais pu économiser quelques euros de coûts de production sur chaque livre produit. Mais faire des économies et augmenter ma marge me semblait moins important que de faire bosser les gens en bas de chez moi.

J’aurais aussi pu augmenter le montant des contreparties ou le prix public conseillé (le livre de base est à 44€), mais comme j’ai raconté plus haut, pendant une certaine période de ma vie je ne pouvais pas acheter les livres de JdR neufs que je voulais. C’est en pensant au jeune rôliste que j’ai été que j’ai réduit au maximum le prix du livre de base, significativement sous le prix du marché pour des JdR équivalents - qui sont plutôt de 50-55€ pour les JdR indépendants. Je me dis qu’il doit y avoir quelque part un(e) jeune rôliste qui hésite à se payer le livre de base d’UV3D parce qu’elle ou il n’a pas trop de sous ; si elle ou il me lit, je veux lui dire ça : “sache que j’ai été à ta place. C’est POUR TOI que j’ai réduit le prix sans lésiner sur la qualité de l’objet, afin que tu puisses être fier(e) d’avoir un bel ouvrage dans ta ludothèque sans te ruiner”.

Quel est le tirage de UV3D ?

170 exemplaires + 1 exemplaire d’auteur.

J’aurais bien voulu en faire imprimer 200 exemplaires, ce qui correspond à la moyenne de ventes physiques pour un JdR francophone moyen (d’après un grand distributeur), mais entre mes échanges avec l’imprimeur et la fin du financement participatif, la guerre en Ukraine a fait exploser le prix du papier. Vu que j’avais déjà fixé le prix public conseillé, j’ai dû réduire mes ambitions.

Cette situation s’est aggravée avec l’incurie du transporteur (que je ne nommerai pas), m’obligeant à remplacer plusieurs exemplaires endommagés, volés ou détruits au cours de la livraison. Il ne m’a remboursé ni les exemplaires, ni le coût d'envoi.

Je suis à la fois auteur, maquettiste, retoucheur, manutentionnaire, et parfois même livreur, puisque j'ai moi-même livré à certains souscripteurs quand je passais dans la région.

Au final j’y suis de ma poche pour plusieurs centaines d’euros, mais j’y ai gagné une expérience d’éditeur, des compétences dans le domaine de la retouche graphique, des informations précieuses sur la répartition réelle des coûts d’un livre de JdR et sur les entreprises de transport (indice : quand le taux de satisfaction est haut, c’est que l’entreprise sabote délibérément ses propres processus de réclamation). Au final, je me considère comme gagnant parce que, que je lance à l’avenir d’autres projets en financement participatif ou pas, tout nouveau savoir est utile.

Sur les 170 exemplaires du livre de base, il y en a eu 119 pour les souscripteurs, quelques-un à remplacer, et finalement il en reste peu ? 

C'est à peu près cela.

Plusieurs souscripteurs ont pris délibérément de grosses contreparties tout en laissant les livres à dispo, ceci spécialement pour soutenir le projet. Ça m'a étonné et énormément touché.

Il m'est resté initialement environ 70 ex. physiques après le CF. Certains ont servi à remplacer ceux perdus ou détruits par le transporteur (perte sèche), et j'en ai vendu d'autres sur des salons. Il ne reste que 40 exemplaires pour toute la France ! 

Que faudrait-il pour arriver à vivre du JdR ?

Vivre du JdR implique un revenu lié au loisir, donc la monétisation d’une partie de l’activité rôliste (percevoir des droits d’auteur, exploiter une marque connue, vendre une prestation de MJ payante, faire payer une vidéo d’actual play, etc.).

Pour l’instant, je me borne à percevoir des droits d’auteur-éditeur, et à les dépenser en abonnement à des banques d’images, en frais d’impression pour produire les suppléments et en location de stands en convention et salons afin de présenter UV3D. Même en mutualisant le mode de location avec d'autres auteurs indés - en centralisant nos locations-, mon bout de stand sur un salon me coûte plus cher que la totalité de mes droits d'auteur. Mon déficit ne cesse de s’accroître ; UV3D, c’est un peu ma “danseuse”...

Pour que je puisse vivre d’une activité rôlistique, il faudrait qu’il existe un marché potentiel pour les biens et services que je proposerais. Je ne sais pas si c’est le cas. Est-ce que des MJ seraient prêts à payer pour des formations sur la maîtrise stratégique et le THACO::MS ? Est-ce que si je relançais le projet Héros comme 3 Pommes avec des règles simplifiées en financement participatif, des backers me suivraient ? Si des lecteurs le savent, qu’ils n’hésitent pas à se manifester, hein.

Et, en soi, est-ce que ne pas pouvoir en vivre est un mal J’entends par là, ne pas être dépendant économiquement de ce que la création de JdR te semble un plus ? Ou un frein, dans la mesure où tu ne peux pas y passer autant de temps que tu pourrais le souhaiter ?

Je comprends cette question comme celle de l’artiste indépendant qui essaye de vivre de son art.

Décider de vivre de sa création rend dépendant économiquement, d’une part, au fait de créer en permanence et d’autre part, à la manière d’exploiter cette création. L’auteur qui veut “vivre de son œuvre” doit simultanément manifester sa personnalité dans son œuvre, et s’assurer que celle-ci plaira à suffisamment de monde pour que son audience le rémunère. Ceci peut passer par un éditeur servant d’interface entre l’artiste et son public et l’aidant à communiquer.

C’est là qu’arrive la question de l’artiste qui compromet son processus de création afin de plaire au plus grand nombre - parce qu’il a besoin de ce succès pour vivre.

Quand l’artiste ne vit pas de sa création, il n’a certes pas autant de temps qu’il le souhaiterait pour la peaufiner, mais il ne subit pas non plus de pressions qui pourraient l’inciter à compromettre sa vision artistique pour gagner un peu plus. Je préfère conserver mon indépendance économique et artistique, et tant pis si j’ai moins de temps pour écrire les prochains suppléments.

Le design graphique de UV3D est assez particulier - beaucoup de photos venues de banques d’images. Pourquoi ce choix ? As-tu eu recours à des outils basés sur l’IA ou non, et pourquoi ? Quel impact sur ton métier d'auteur ou d'éditeur ?

Je veux utiliser le moins possible d’illustrations générées par IA, et c’est pour ça que j’ai eu recours à des banques d’images. Je me suis servi de ce type d’outils pour coloriser des photographies en noir et blanc du domaine public, parce que ça n’est pas un acte “de création” en tant que tel.

Je me suis quand même fait avoir deux fois, parce que des illustrations IA étaient dans des banques d’image, mais pas indiquées comme telles, et elles se sont retrouvées dans l’ouvrage contre ma volonté.

Je n’ai pas fait appel à des illustrateurs, parce que, d’une part, le thème d’UV3D est le cinéma, ce qui me semble devoir exclure les images non photoréalistes, et d’autre part, parce que je n’aurais pas eu de quoi payer l’illustrateur. Ça a eu un impact sur mon métier de graphiste / retoucheur amateur (je suis un peu moins amateur maintenant)..

Pour la couverture, je voulais mettre en évidence la grande diversité des genres possibles dans le monde du cinéma d’action. Je suis parti d’illustrations de banques d’image payantes et gratuites, modernes / cyberpunk / fantasy, que j’ai juxtaposées. Je les ai intégrées dans des pellicules de film. Et plus d’une centaine d’heures de travail plus tard, la couverture était née !

Tiens, il y a un supplément : le scénario Dernier Prolétarien ?

Dans un futur où la Terre est devenue inhabitable, seul un héros de la classe ouvrière peut s'opposer à l'exploitation de l'homme par l'homme. 

Il est...

Le Dernier Prolétarien  !

Un film d'action pour 1 à 4 acteurs ; conçu comme la rencontre - espérons réussie - entre Roland Emmerich et Karl Marx.

Couverture du supplément. Un homme seul, faucile et marteau en main, dans une allée de containers menant à un immeuble de bureaux avec le logo TA.

Je l'ai écrit en 2024 après la sortie du livre de base. Ce n'était absolument pas un objectif du foulancement, mais une volonté de faire vivre UV3D sous la forme d'une gamme, en proposant un véritable suivi. J'ai dû en faire imprimer un peu plus d'une soixantaine. C'était une évaluation de l'appétence des joueurs de UV3D pour de la nouveauté, mais également une expérience économique puisque j'ai fixé le prix de ce supplément un peu au-dessus que la moyenne de format comparable sur le marché, en contrepartie de la version PDF gratuite pour tout possesseur d'un exemplaire papier.

Ça n'a pas marché ; peu de gens qui ont acquis le livre de base ont acquis le scénario. Ceci est peut-être aussi dû au film proposé : action-SF marxiste, c'est assez niche. Les prochains suppléments sur lesquels je travaille seront donc probablement proposés en version physique indépendamment de leur version PDF, et avec un rapport prix/nombre de pages plus avantageux.

Ou alors le marché c'est soit y a des dinos comme nous qui ne veulent que du papier, soit des djeunz qui ne jurent que par les pdf, mais pas les deux ?

C'est bien possible. Je n'ai pas encore tiré de conclusions.

Il y a 8 scénarios dans le Livre de base - dont 2 obtenus lors des paliers du foulancement. J'aime bien la présentation, alors je les indique :

  • Revanche sanglante IV : la fureur des triades, un polar sanglant s'inspirant de la "nouvelle vague" hong-kongaise, qui se trouve déjà dans le kit d'initiation disponible en pdf ;
  • The Aegean Squad, péplum moderne et plein de CGI à mi-chemin entre le Choc des Titans et Suicide Squad, que vous pouvez télécharger ici;
  • Menace Absolue : régénération, polar d'anticipation avec un petit côté cyberpunk ;
  • Tranche-Neige et les Sept Samouraïs, qui se voudrait l'adaptation du conte de Charles Perrault par Kazuo Koike, Akira Kurosawa et Takeshi Kitano ;
  • U.S. Drugs Commandos, un actioner bourrin façon Expendables, remanié (on dit "remonté" au cinéma).
  • Heroes 1861, un western révisionniste dans l'esprit de Wild Wild West se déroulant pendant la guerre de sécession et mettant une troupe d'acteurs au prises avec un suprémaciste blanc mégalomane ;
  • Speed Me Towards Death, un (double-zéro)-septième scénario pour un ou deux acteurs, et destiné à cocher toutes les cases des films impliquant des espions britanniques sauvant le monde entre deux vodka-martinis au shaker et pas à la cuillère ;
  • Piège de Mistral, un scénario médiéval-historique "écrit sur un coup de tête"

Quand j'ai écrit les scénarios, j'avais comme objectif de démontrer l'éclectisme du film d'action en tant que genre cinématographique, et donc la flexibilité d'UV3D comme JdR pour s'adapter à tout univers narratif ; pas besoin d'un supplément pour faire spécifiquement du super-héros, puis d'un autre supplément pour faire du western, puis encore un pour faire du pulp, etc. Avec le livre de base, on fait du film d'action, quel qu'il soit, et la seule limite à l'intrigue et aux scènes spectaculaires est l'imagination de tous. 

C'est pour ça qu'on trouve de l'espionnage à la James Bond, du heroic bloodshed hong-kongais, du western, du cyberpunk, du film de guerre, etc. C'est aussi pour ça que j'ai écrit 8 scénarios, ce qui peut paraître beaucoup pour un livre de base de JdR

J'essaie actuellement de créer de nouveaux scénarios très différents, pour essayer de balayer l'ensemble des thématiques possibles ; pour proposer des univers un peu spéciaux comme dans le Dernier Prolétarien

Où peut-on se procurer Ultime Vengeance 3D et son supplément ?

Les exemplaires physiques

  • Franciliens, ils sont disponibles sur les étagères de la boutique Starplayer, Paris 5e 
  • ou en commande dans leur boutique en ligne 

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