Le modèle-3D : vue d'ensemble

Un article de John H. Kim's Role-Playing Game Page

Le « modèle-3D » est un modèle des manières de jouer au jeu de rôle, qui les positionne sur deux axes. Alors certes, ce nom est trompeur, mais il provient de la relation avec le modèle à trois volets ptgptb et le modèle LNS ptgptb. L'idée originale fut proposée par Mike Holmes dans un post de The Forge daté d'aout 2004. Toutefois, il y eut de nombreux contributeurs notables sur trois fils de The Forge, et Vincent Baker suggéra lui aussi un modèle similaire sur son blog. Le modèle-3D fut initialement conçu comme l'ajout d'une nouvelle dimension au modèle LNS, relative au contrôle des joueurs sur la partie. Le nom est une erreur puisqu'il n'y a que deux dimensions, mais il évoque « les trois volets » auxquels est ajoutée une dimension supplémentaire.

Il y a deux axes de répartitions dans ce modèle :

1. le Focus est l’aspect du jeu sur lequel on porte le plus d’attention. De l'expérience tirée du modèle à trois volets et du LNS, on suggère trois focus : le « Thème », l'« Immersion » et le « Défi ». Ainsi, un focus placé sur le thème signifiera que le thème est au centre de l'attention des joueurs. Des joueurs différents peuvent choisir de se concentrer sur des focus différents – auquel cas la partie dans l’ensemble sera considérée comme ayant une orientation résultant de la moyenne des joueurs, avec une remarque supplémentaire indiquant à quel point les joueurs sont divergents.

2. La centralisation est une mesure de la manière dont sont construits les événements de la partie, et plus particulièrement les points forts. C'est-à-dire la façon dont le groupe collabore pour décider des événements de la partie. Il y a trois niveaux de centralisation : « centralisé », « guidé » et « décentralisé ».

« Centralisé » signifie que une autorité centrale ou un plan détermine strictement les aspects du focus (2).

« Guidé » signifie que les aspects principaux sont indiqués mais non déterminés.

« Décentralisé » signifie que de multiples sources créent spontanément les aspects du focus durant la partie.

Le focus est peut être une variable vague, mais il est visible à travers les centres d’intérêts des joueurs. C'est-à-dire : sur quels éléments les joueurs se concentrent-ils, et à quoi font-ils attention ? De quel aspect de la partie parlent-ils après la séance ? Ces deux sujets peuvent être différents, mais nous les confondrons pour les besoins de ce modèle. La centralisation est plus délicate. Notez qu'un jeu centralisé n'est pas forcément dirigiste. Il peut être collaboratif en créant ensemble le plan ou en coopérant avec une autorité. Cependant, il n'inclut pas de réactions spontanées durant la phase active de la partie. En d'autres mots, il n'y a qu'une seule source qui puisse modifier significativement le cours de la partie : ce peut être un texte de référence [livre de règles, supplément, ou la source littéraire du genre, (NdT)], le MJ, ou un vote des joueurs.

Ceci peut être illustré de la façon suivante :

  Thème Immersion Défi
Centralisé      
Guidé      
Décentralisé      

Les neuf catégories ainsi déterminées sont décrites plus en détails ci-dessous.

  • Défi, centralisé

Les joueurs sont mis en face d'une suite plus ou moins linéaire de défis. Dans un JdR traditionnel de Fantasy, ce pourrait être un scénario de donjon avec peu ou pas d’embranchements, les salles étant donc traversées dans l'ordre. De nombreux modules de la seconde édition de D&D et/ou les scénarios de tournoi de D&D étaient linéaires dans ce genre. C'est un jeu tactique plutôt que stratégique, dont le focus est sur le franchissement d’obstacles distincts plutôt que la modification du déroulement global de l’aventure.

  • Défi, guidé

Les joueurs choisissent parmi un ensemble limité d'options. Par exemple, ce pourrait être un grand donjon non-linéaire. Les joueurs peuvent choisir l’ordre dans lequel ils affrontent les défis, et peuvent même choisir de ne pas entreprendre certaines parties du donjon. La plupart des modules classiques de AD&D proposent de telles options. N'importe quel JdR avec des choix stratégiques importants relève aussi de cette catégorie.

  • Défi, décentralisé

Une approche telle que Great Ork Gods (Aidley) ou Donjon (Nixon) où les défis sont générés spontanément par les apports des joueurs (3) .

  • Thème, centralisé

Ce serait un JdR avec un thème fort, mais avec un contrôle centralisé strict de la progression. Ce genre de jeux est incarné par des approches telles que Deadlands ou Torg qui présente les aventures comme de strictes successions de scènes.

  • Thème, guidé

Ceci inclurait la plupart des JdR où les joueurs ont un certain contrôle de l'expression du thème. Les candidats possibles incluent Sorcerer (4).

  • Thème, décentralisé

Ceci inclurait les JdR où les joueurs ont une posture forte de metteur en scène, comme Primetime adventures (5).

  • Immersion, Centralisé

Ce serait l'étude d'un monde et/ou de personnages entièrement créés par une autorité centrale – ce qui peut inclure un style parfois appelé « Bienvenue dans mon monde ». C'est un style dans lequel le jeu consiste principalement en une découverte du monde, des PNJ et/ou de mystères par les Personnages-Joueurs. Il peut ne pas y avoir d'intrigue prédéterminée, mais dans tout les cas cette intrigue passe après la découverte du décor et des PNJ.

  • Immersion, guidé

C'est le cas courant des JdR [aux univers] détaillés, où le MJ crée une aventure à grands traits. De bons candidats pourraient être RuneQuest, Skyrealms of Jorune et HârnMaster.

  • Immersion, décentralisé

Un bon exemple de ceci est le GN freeform (6) c'est-à-dire du GN sans autorité pour générer une intrigue centrale. Les intrigues sont créées spontanément par les manœuvres des joueurs et les interactions entre eux.

Autres focus

La liste des focus (défi, thème et immersion) n'est pas nécessairement exhaustive. La catégorie de focus détermine la part du processus créatif qui concentre l'attention des joueurs. Il y a de nombreux cas qui ne sont pas tout à fait clairs, comme l’accent mis sur la comédie/ ou sur l'émulation de genre (7) . On peut concevoir de classer ces focus dans le thème ou l'immersion. Par exemple, un jeu de rôle humoristique dirigé par les joueurs peut-il être considéré comme thème/décentralisé – ce qui le range dans le même panier que Primetime Adventures ? Toutefois, comme ce n’est pas très clair, il serait mieux de définir une catégorie différente pour la « création d'histoire divertissante ». Ce serait [défini par] l'accent mis sur une intrigue amusante même si elle n’a pas de thème moral cohérent.

Un autre focus suggéré était la « causalité interne » [≈ simulationnisme ; chaque événement est causé par un autre, et pas par un intérêt narratif ou méta-jeu (NdT)]. J'aurais tendance à dire que la causalité interne est une technique, pas un focus. L'attention portée aux éléments imaginaires eux-mêmes [≈ diégèse, (NdT)] fait partie de l'immersion, mais ceci peut ou non utiliser une causalité interne. L'immersion est le moyen de faire partager le ressenti de personnes, de lieux ou de choses. Ce peut aussi être pensé comme un spectacle ou la vivacité d’un portrait.

Relation avec le LNS

Le modèle-3D fut originellement proposé sur le forum The Forge consacré au modèle LNS, et les deux modèles recouvrent peu ou prou le même domaine. La différence provient du fait que le modèle-3D fait aussi une distinction selon la centralisation de la paternité de l’aventure. Dans le modèle-3D, on considère généralement l'immersion/centralisé comme le Simulationnisme du LNS. Le thème/centralisé a aussi été considéré comme du Simulationnisme. Le thème/décentralisé a généralement été étiqueté comme du Narrativisme. En utilisant le diagramme de Mike présenté plus tôt, on peut le montrer ainsi :

  Thème Immersion Défi
Centralisé Narrativisme ??? Ludisme
Guidé Simulationnisme
Décentralisé Simulationnisme ???

Notez que j'ai laissé en « inconnu ??? » les cases immersion/décentralisé et défi/centralisé. Je pense que, selon les gens, ces aspects sont classés différemment dans le LNS ; ou bien plus souvent, qu’ils restent des possibilités ignorées. On a utilisé le terme Open-Sim sur The Forge pour décrire certains jeux décentralisés immersifs tels que ma campagne Water-Uphill World. Cependant, l'analyse de telles campagnes les a placées dans différentes catégories LNS.

De plus, j'ai le sentiment que le modèle-3D répertorie mieux les relations entre les jeux de rôles. Bien que d'un certain point de vue, c'est simplement inévitable puisqu'il dispose de neuf catégories au lieu de trois et qu'il détaille donc davantage. Avec le modèle-3D, on peut notamment révéler une relation au sein d'un groupe qui a pour trait commun le « thème » – mais faire la distinction entre un thème/centralisé et un thème/décentralisé. Je crois qu'ils sont tout à fait distincts mais que les points communs devraient être reconnus.

Une autre relation avec le modèle LNS a été proposée par Ralph Mazza (alias Valamir). Dans The Model as seen by Valamir, il a suggéré que la forme de jeu passive connue sous le nom d'Illusionisme ou de Participationisme, est vraiment une catégorie distincte de « proposition créative comprenant moins de jeu » (Creative-Agenda-less play) (Mazza 2004). En terme de modèle-3D, ce serait une catégorie séparée. Sa formulation s’inscrirait ainsi dans le tableau :

  Thème Immersion Défi
Centralisé Narrativisme Simulationnisme Ludisme
Guidé
Décentralisé Creative-Agenda-less play

Conclusion

Le modèle-3D présente une vision proche mais différente des concepts exprimés dans le modèle à trois volets et le modèle LNS. Il bénéficie de catégories plus finement détaillées – neuf au lieu de trois. Il les organise aussi autour de deux axes clairement définis. Bien qu'il ne remplace pas nécessairement les modèles antérieurs, il procure un perspective alternative. En principe, les axes séparés peuvent rendre plus aisé les applications pratiques en JdR.

Un obstacle possible à l’établissement d’un diagnostic est le fait que les préférences de partie de chacun des joueurs puissent être inconscientes. Ces distinctions inconscientes sont un des aspects controversés du LNS – par exemple, on identifie consciemment telle partie comme étant narrativiste, alors qu'elle est en fait simulationniste. Cette idée peut tout aussi bien s'appliquer au focus dans le modèle-3D. Par exemple, un groupe de joueurs peut consciemment convenir de centrer leurs parties sur le « thème », mais ils se retrouvent à essayer de se surpasser les uns les autres et le résultat final est centré sur le « défi ». Cependant, il est généralement plus utile de faire confiance aux joueurs pour élaborer leur propre diagnostic.

Bibliographie

Aidley, Jack. Great Ork Gods.

Baker, Vincent. anyway: Simulationism, an Ordeal. 3 mars 2005.

Holmes, Mike et al.: New 3D Model. The Forge, 9 août, 2004.

Kim, John et al. : More on 3D Model. The Forge, 26 août, 2004.

Kim, John et al. The Forge: Lumpley's take on 3D Model. 13 mars 2005.

Mazza, Ralph et al. The Model as seen by Valamir. 29 juillet 2004.

Nixon, Clinton R. Donjon. 2002.

article original : The 3D Model of Role-Playing: An Overview


(1) NdT : Si la traduction « focus » vous gêne, n’hésitez pas penser en termes LNS de « préférences » ou de « proposition créative » [Retour]

(2) NdT : Cela rappelle le problème de qui détient l’Autorité dans une partie ; voir Le Truc impossible avant le petit déjeuner. [Retour]

(3) NdT : le Comité pour l'exploration des mystères est aussi un exemple de ce genre de JdR. [Retour]

(4) NdT : On peut aussi ajouter Boule de neige de Cherry [Retour]

(5) NdT : on peut aussi ajouter un grand nombre des jeux indies récents : Prosopopée, A Penny for my thought, Fiasco, etc. [Retour]

(6) NdT : lire la définition et les développements dans le Dictionnaire Jeepform [Retour]

(7) NdT : On pense notamment à Brain Soda qui place le focus sur le genre du nanar d’horreur [Retour]

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