Création avancée de scénario en nœuds (1-2)

Partie 1 : Passer d’un nœud à l’autre

Dans la création de scénario en nœuds ptgptb [lisez-là ou relisez-là avant ! Si ça peut aider, dites-vous qu’un nœud = une scène dans un endroit (NdT)], nous avons exploré une variante à l’approche linéaire typique de la création de scénario. En créant une situation à la place d’une intrigue, nous avons construit un environnement flexible où les choix significatifs des joueurs ont la possibilité de s’épanouir. Et en organisant les éléments de cette situation avec des nœuds, nous conservons la clarté de l’approche linéaire tout en évitant les limitations dues à sa rigidité.

Maintenant que nous avons établi les éléments de base de la création en nœuds, je veux explorer quelques trucs et astuces que j’ai appris en travaillant avec la préparation en nœuds.

Commençons par regarder de plus près les structures fondamentales de la création de scénarios en nœuds : comment les joueurs passent-ils d’un nœud à l’autre ?

 

En discutant de la création en nœuds, j’ai choisi par défaut la progression par indices parce que (a) c’est simple ; (b) c’est polyvalent ; et (c) cela montre clairement à quel point l’approche en nœuds peut être puissante et flexible. C’est aussi assez universel selon mon expérience : quelle que soit la méthode que je pourrais utiliser, l’approche par indices fait presque toujours partie du mélange.

Mais ce n’est pas le seul moyen.

POUSSÉE contre TRACTION

Partons d’un principe général.

En discutant de la vitesse narrative (en) dans les jeux vidéo, Andrew Doull a inventé les termes « poussée » et « traction ». Je trouve l’utilisation de cette terminologie un peu vague, mais néanmoins utile comme concept de base. Une « traction » se produit lorsque les joueurs veulent explorer, s’impliquer, ou découvrir un nœud. Une « poussée » se produit lorsque les joueurs sont forcés de faire ces choses.

Une « traction », de par sa nature, exige que les joueurs aient une sorte de connaissance du nœud, qui le rend attirant. L’attrait d’une « traction » peut prendre la forme d’une récompense, d’une opportunité, ou de toute autre forme de gain. Dans un donjon typique de D&D, une « traction » est la promesse d’un trésor. Dans un scénario d’enquête, la simple promesse de « vous pourriez trouver quelques indices là-bas » est souvent une « traction » plus que suffisante.

Une « poussée » peut de même compter sur la connaissance du joueur (« braquez la banque ou votre petit-amie mourra »), mais ce n’est pas forcément nécessaire. Par exemple, les PJ peuvent être poussés dans une rencontre avec un assassin qui les traque (cas d’une embuscade) sans jamais être conscient que l’assassin venait.

Dans d’autre cas, l’ignorance des PJ peut faire toute la différence entre une « poussée » et une « traction ». Par exemple, ils auraient pu aimer rechercher la Citadelle Cachée de l’Empire Doré s’ils en avaient entendu parler. Mais comme ce n’est pas le cas, ce fut une « poussée » totale quand ils sont tombés dessus par hasard durant une exploration d’hexagones ptgptb (hexcrawls).

En pratique, la distinction entre une « poussée » et une « traction » peut être quelque peu floue. C’est particulièrement vrai une fois que vous commencez à superposer les motivations. Par exemple, les PJ pourraient être forcés d’enquêter sur les raids récents des géants quand le duc menace de les exécuter s’ils ne le font pas. Mais une fois qu’ils ont commencé à enquêter, la recherche de chaque indice pourrait aussi être des « tractions ». Et peut-être qu’ils avaient déjà été « tirés » par les raids des géants, parce que le père de Patric a été tué par des géants du froid.

Notons aussi que les « poussées » n’ont pas besoin d’être des faits accomplis [en français dans le texte (NdT)]. Le duc menaçant de les tuer s’ils n’enquêtent pas est certainement une « poussée », mais cela ne signifie pas nécessairement qu’ils n’ont pas la possibilité de quitter le duché et rechercher leur fortune ailleurs. (Ou assassiner le duc. Ou le soudoyer pour qu’il les laisse tranquilles. Ou kidnapper sa fille et la prendre en otage jusqu’à ce qu’il leur accorde une grâce. Ou toute autre chose.) En d’autres termes, l’environnement de jeu peut « pousser » les PJ sans l’aide du MJ.

Les « tractions » et les « poussées » ne doivent pas non plus être limitées par les motivations du personnage ; elles peuvent également agir sur les motivations du joueur. Si vous avez déjà entendu vos joueurs dire « trouvons quelques orques à tuer, comme ça on pourra monter de niveau », alors vous avez entendu le chant des sirènes de la « traction » méta-jeu. Mais cela peut aussi prendre la forme simple de « explorons les Nids d’Aigle de la Reine Corbeau parce que ça semble très amusant ».

Qu’il s’agisse de « pousser », de « tirer » ou des deux, un nœud doit encore surmonter une certaine « gravité » [dans le sens de gravitation (NdT)] pour pouvoir être exploré. Pour certains groupes, cette gravité est une simple apathie : vous devez rendre l’endroit beaucoup plus intéressant ou les menacer avec beaucoup plus de conséquences avant qu’ils ne traînent leurs grosses fesses hors de la taverne du coin. Parfois il y a une compétition entre les diverses forces : « On aimerait s’occuper du Temple Profond du Chaos, mais on doit d’abord s’assurer que les cavaliers de la Horde ne brisent pas le Mur qui les séparent des Terres Généreuses. » Ou bien ce pourrait être les coûts connus et[/ou] estimés pour aller au nœud « La Tombe des Horreurs peut contenir une tonne de trésors et ceci est une fantastique « traction »… mais ça reste un putain de piège mortel et je ne veux pas y aller. »

Sélection de commentaires

Tony Brotherton

Excellent article.

Tu as mis un nom sur une chose que je faisais depuis des années sans réaliser qu’il y avait une théorie formelle à tout ça.

Quand je planifie des scénarios à l’échelle microscopique, les nœuds deviennent les rencontres individuelles ou « scènes » à l’intérieur d’un scénario, et à l’échelle macroscopique, ils deviennent les scénarios eux-mêmes. Voyager d’un nœud à un autre peut, comme tu l’as dit, prendre la forme d’un indice ou d’un objectif réussi, mais il est parfois beaucoup plus amusant de « pousser » les joueurs, particulièrement quand tu as construit l’idée dans leur esprit d’un chemin particulier entre les nœuds, et qu’ils « choisissent » exprès un chemin différent.

Partie 2 : La navigation de nœud en nœud

Portons maintenant notre attention sur les détails : quelles sont les méthodes de navigation exactes qui peuvent être utilisées pour guider les personnages vers un nœud ?

LES INDICES 

Les indices transforment chaque nœud en conclusion. Lorsque les PJ ont recollé les pièces du puzzle, ils en déduiront où aller, à qui s’intéresser et/ou quoi faire.

Les scénarios basés sur des indices sont souvent considérés comme fragiles, mais en utilisant La Règle des Trois Indices ptgptb [chaque nœud contient au moins 3 indices qui mènent vers les autres nœuds] et La réciproque de la Règle des Trois indices ptgptb [ Les nœuds de la première strate ont en tout au moins 3 indices qui mènent à des nœuds de la deuxième strate (NdT)], vous pouvez les renforcer.

Un piège à éviter : pour atteindre le prochain nœud, les PJ doivent savoir à la fois ce qu’ils cherchent et comment le trouver. Si vous donnez un unique indice aux PJ qui leur dit comment atteindre la Cité Perdue de Shandrala, votre scénario restera fragile même si vous incluez 20 indices leur disant que la Cité Perdue de Shandrala est intéressante et qu’ils devraient absolument y jeter un coup d’œil.

D’autre part, la navigation de nœud basée sur des indices s’organise d’elle-même de manière pratique en scénarios d’enquêtes qui fournissent des motivations globales de « poussée » / « traction » : une fois que les PJ sont motivés pour résoudre l’énigme, tout ce que vous avez à faire est de mettre un nœud sur la piste “Miettes de pain” ptgptb [On considère que les investigateurs trouveront l'indice à chaque fois. (NdT)] et ils le suivront.

Géographie : En d’autres termes, le choix de la voie à suivre. L’exemple archétypal est le donjon, qui généralement fournit une structure bien plus robuste que le scénario basé sur des indices. Par exemple, considérez ce simple donjon :

 

Advanced Node-Design 3

 

Se déplacer de A à B, puis à C ne nécessite aucune redondance, parce que le couloir fournit une connexion géographique claire et indiscutable.

Cependant, les structures géographiques peuvent occasionnellement créer une sensation de fausse sécurité :

 

Advanced Node-Based Design 4

Maintenant vous avez un problème potentiel : si les PJ échouent à détecter la porte secrète, votre aventure peut facilement sortir des rails. (En supposant qu’ils doivent atteindre C.)

Les explorations d’hexagones peuvent poser le même problème en ce sens qu’il n’y a aucune garantie qu’un élément de contenu donné soit réellement rencontré - quand j’avais 12 ans, je me souviens avoir soigneusement étudié une copie du module X1 – L’Ile de la Terreur grog et n’avoir jamais vraiment compris comment les PJ étaient censés « savoir où aller » pour trouver toutes les rencontres clés.

Cependant, les explorations d’hexagones bien conçues utilisent un mode de redondance similaire à la Règle des Trois Indices : il n’oblige pas les joueurs à rencontrer un contenu intéressant en particulier, mais à la place ce mode les disperse généreusement, de sorte que vous êtes presque certain de rencontrer au moins un contenu intéressant, même si vous explorez au hasard.

Bien sûr, ceci nécessite beaucoup de préparation en plus. Mais les hexagones sont destinés à être utilisées encore et encore, en utilisant ce contenu supplémentaire au cours de plusieurs passages.

Dans les arrangements géographiques, les obstacles servent de « poussées ». Par exemple, si les PJ sont dans la salle A, et qu’ils souhaitent se rendre dans la salle C, alors la salle B n’est rencontrée que parce qu’il s’agit d’un obstacle. Les PJ sont poussés à se rendre dans la salle B, parce que la géographie du donjon l’exige.

Temporalité

L’appel téléphonique qui survient à 14 heures. Le gobelin attaque le 18. Le festival qui dure quinze jours.

Bien que de nombreux nœuds puissent inclure des éléments dépendant du temps (« si les PJ arrivent après le 14, la famille du crime Forzi aura vidé l’entrepôt »), les nœuds qui sont déclenchés temporellement sont presque toujours une « poussée » : quelque chose ou quelqu’un vient chercher les PJ, les poussant à suivre le nœud.

Bien sûr, les déclencheurs temporels peuvent aussi être une coïncidence – comme un dragon rouge attaquant l’auberge pile au moment où les PJ viennent y dîner ; ou la survenance d’une éclipse solaire – mais ce sont toujours des « poussées ».

Les déclencheurs temporels peuvent aussi avoir une certaine variabilité intégrée. Par exemple, vous pourriez décider que les Forzi engagent un tueur à gages pour tuer l’un des PJ le 16. Cela ne signifie pas nécessairement que le tueur à gages le trouvera immédiatement.

Hasard

Les monstres errants sont l’exemple classique d’un nœud généré aléatoirement, mais ils sont loin d’être le seul exemple. Les premiers modules de Dragonlance grog, par exemple, codaient les événements de l’histoire dans leurs tables de rencontre aléatoires. La table de Jeff Rients sur les mésaventures de bringue(en) offre un ensemble de possibilités variées(1).

En raison de leur longue association avec les jets de rencontre de monstres errants, le déclenchement aléatoire d’un nœud est souvent associé à la génération aléatoire d’un nœud. Bien que les deux puissent être des techniques utiles, lorsque nous parlons de naviguer entre les nœuds, nous nous concentrons principalement sur le déclenchement aléatoire d’un nœud [pré-existant].

Par exemple, dans ma campagne d’exploration d’hexagones actuelle, tout le contenu de chaque hexagone a été écrit. Mais j’utilise un ensemble de mécanismes pour déterminer de manière aléatoire si ce contenu est rencontré ou non par un groupe se déplaçant dans l’hexagone (autrement dit, déclenchant le nœud) [et cela permet de rendre le second passage dans l’hexagone différent du premier (NdT)].

Nœuds proactifs

Un nœud proactif vient chercher les PJ. Ils sont souvent déclenchés de manière temporelle ou aléatoire, mais pas forcément.

Par exemple, au lieu d’utiliser des rencontres aléatoires, je vais souvent gérer de petites fractions en « temps réel » en divisant les PNJ ennemis en petites équipes. Je peux ensuite suivre les déplacements de chaque équipe en réponse aux actions des PJ.

On pourrait aussi facilement imaginer une « piste d’alerte générale » : chaque fois que les PJ font quelque chose de risqué ou dévoilent leurs actions d’une manière ou d’une autre, le niveau de vigilance de leurs adversaires augmente. L’augmentation du niveau de vigilance pourrait modifier le contenu de certains nœuds, en plus de déclencher divers nœuds proactifs.

En lisant de nombreux scénarios du commerce, il n’est pas rare que le premier nœud soit totalement proactif : l’exemple classique est “un PNJ veut vous engager pour une mission” ; mais ensuite, beaucoup d’aventures cessent soudain d’être proactives. Rien ne nous oblige à tomber dans ces deux excès.

Il peut également être tentant de considérer les nœuds proactifs comme une technique dirigiste. Bien qu’ils puissent certainement être utilisés de cette manière, ce n’est pas nécessairement le cas. Exemples sans aucune machination prédéterminée par le MJ :

  • Les PNJ qui effectuent des jets de vérifications alex (en) de contre-espionnage (pour découvrir l’identité des PJ ou
  • les PJ pistés dans le désert par les forces ennemies après s’être échappés du château du Seigneur de l’Effroi.

En général, les nœuds proactifs sont utiles pour créer un monde vivant où il y a des réactions à court et à long terme aux choix des PJ.

Suivre une Piste

Je ne suis pas sûr si suivre une piste du nœud A au nœud B constitue une navigation par indice, géographique, les deux, ou aucune, donc je l’inclus ici comme un type courant de cas particulier hybride.

Bien entendu, une piste ne doit pas nécessairement se limiter à suivre des traces dans la boue : traçage des déplacement de données à travers le réseau ; piratage des enregistrements du portail de saut hyperluminique ; poursuite en voiture à grande vitesse. Il y a beaucoup d’options.

Initié par les joueurs

Dans leur quête pour aller de A à C, il arrive que les joueurs inventent leur propre B sans aucune incitation particulière. Parfois, cela peut être anticipé (comme la plupart des jets de Collecte d’Informations, par exemple), mais dans de nombreux cas, les joueurs trouveront des moyens que vous n’aviez jamais imaginé pour s’attaquer à un problème, comme la fois où mes joueurs ont créé par inadvertance une compagnie de livraison alex (en) afin de retrouver une personne disparue.

Dans le même esprit que la recherche d’indices permissive ptgptb [voir la partie ‘Corollaire : La recherche d’indices permissive’ (NdT)], c’est presque toujours une bonne idée de se laisser guider par les joueurs : votre préparation devrait être un filet de sécurité, pas une camisole de force. Cela ne signifie pas que tous leurs plans doivent être couronnés de succès ; mais en cas de doute, jouez-les tel quel.

Articles originaux : Advanced Node-Based Design – Part 1: Moving Between Nodes ;  – Part 2: Node Navigation.

Vers les parties 3-4

(1) NdT : la Trousse d’urgence du MJ d'heroic-fantasy ptgptb vous propose aussi des évènements dans les tavernes. Zack Smith, dans Comment je veux que vous me parliez de votre univers ptgptb trouve que les univers de jeu sont mieux représentés par des tables aléatoires que par de longues descriptions. [Retour]

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