Impliquer les joueurs (divers trucs de MJ)

J’imagine que la plupart des Meneurs et Meneuses de Jeu ont une anecdote sur la fois où ils ont passé des heures à construire un élément de l’univers dans les moindres détails ou une conspiration particulièrement complexe… juste pour s’apercevoir que leurs joueurs n’y accordaient guère plus qu’un coup d’œil. Ou bien, vous avez mené à son terme une série d’aventures spectaculaires et percutantes mettant en scène la révélation d’une conspiration menée par les Dieux Noirs de Keht… et trois mois plus tard la mention du nom de Keht n’évoque rien dans le regard vide des joueurs.

Souvent, et alors même que vous rencontrez ce genre de frustration, les joueurs passent quand même un super moment. Ils raconteront plein de trucs comme la fois où leurs personnages ont fait ceci, et vous vous rappelez le moment où cela ?

En discutant de ce problème avec d’autres MJ, j’en ai vu beaucoup arriver à la conclusion que les joueurs n’en avaient juste pas grand-chose à faire de l’univers de jeu. Et qu’ils ne changeront jamais. Ne perdez donc pas votre temps avec tous ces trucs de construction d’univers et concentrez-vous sur les caractéristiques du prochain combat.

Certes, il y a un fond de vérité là-dedans. Mais je pense que ces MJ sur-réagissent. S’il y a bien des joueurs à nos tables qui n’en ont effectivement rien à faire de ce genre de chose, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une majorité. Je pense qu’il s’agit d’un échec dans la manière de traiter, de comprendre, d’apprécier et de se rappeler de ce genre de détails. Et je pense que l’échec provient au moins autant du MJ que des joueurs, sinon plus.

0. Arrêtez de jouer au poker

Êtes-vous vraiment sûr de vouloir que les joueurs comprennent ce qui se trame ? Ou bien êtes-vous inconsciemment en train de jouer au poker contre eux — gardant vos cartes cachées derrière un visage impénétrable et un écran de MJ.

Ça devrait presque aller sans le dire, mais étant donné ce que j’ai vu, il vaut sans doute mieux le dire : si vous voulez que vos joueurs sachent quelque chose, vous devez vous assurer que vous leur en avez effectivement parlé. [l'information est-elle à portée des joueurs ? (NdT)]

Je pense qu’on tombe souvent dans le piège, alors que nous échafaudons nos conspirations et nos enquêtes, d’oublier que les Personnages des Joueurs et des Joueuses vont bien devoir finir par les résoudre. Les MJ se demandent souvent pourquoi leurs joueurs ne se rappellent pas de tous ces merveilleux détails qu’ils ont élaborés… alors qu’en fait, la seule manière dont les joueurs pourraient avoir eu connaissance de ces détails aurait été en maîtrisant secrètement l’art de la télépathie.

Allant de pair avec ceci vient le principe de base : les détails que les PJ ne peuvent pas découvrir ou avec lesquels ils ne peuvent pas interagir sont une perte de temps.

Il peut occasionnellement y avoir des moments où vous avez besoin de travailler un détail de l’histoire pour vous assurer que ce qui se passe au premier plan est cohérent. Mais quand vous vous retrouvez à concevoir un détail de ce genre-là, je voudrais que vous vous posiez quelques questions :

  • Y a-t-il la moindre raison pour que les PJ ne puissent pas avoir accès à ce détail ?
  • S’ils ne doivent pas l’apprendre, pourquoi êtes-vous en train de l’écrire ?
  • Ça ne peut pas être un détail nécessaire pour que le scénario se tienne (car s’il était nécessaire, alors les PJ devraient pouvoir l’apprendre), s’il n’est pas nécessaire et que personne n’en saura jamais rien, pourquoi y consacrez-vous du temps ?

Par exemple, je relisais récemment, la trilogie The Darkness Revealed pour le jeu de rôle Trinity grog publié chez White Wolf. J’aime beaucoup le potentiel de ces aventures, mais de grands morceaux de ces livres sont consacrés à la description détaillée des activités et des drames des PNJ. Les PJ ont rarement le moyen d’apprendre quoi que ce soit de ces drames, ce qui signifie que leur expérience lorsqu’ils joueront cette campagne ressemble un peu à ce que le capitaine du Titanic a pu voir de l’iceberg : il n’en a vu que 10% et le reste a causé un naufrage.

L’autre exemple auquel je pense toujours quand je discute de mauvaise approche de la conception d’aventure, c’est Ravenloft : Contact Mortel grog. J’ai trouvé ce scénario dans une bibliothèque publique quand j’avais douze ou treize ans. Je me rappelle l’avoir lu et pensé que ça aurait fait une histoire exceptionnelle ; et puis j’ai réalisé qu’il n’y avait absolument aucun moyen pour que les PJ qui joueraient l’aventure ne puissent la connaître. L’arc entier traite d’une immense et ancienne lutte de pouvoir entre des PNJ légendaires. Les PJ n’ont aucun moyen d’apprendre l’histoire de ce conflit et même, par bien des égards, qu’il y avait une lutte en cours. Si vous jouez cette aventure telle qu’elle est écrite, elle consisterait à balader les PJ d’une suite d'événements incompréhensibles à la suivante.

Ce sont des exemples extrêmes, mais ils transmettent une leçon importante : si les PJ ne le voient jamais, alors ça aurait aussi bien pu ne pas exister.

Vous pouvez aussi voir cela par l’autre bout, si vous prenez ce morceau d’histoire, de connaissance, ou de décor super intéressant que vous venez de construire… et bien êtes-vous sûr que vous ne voulez pas que les joueurs le voient ? Ne serait-ce pas chouette de partager ce que vous avez créé ?

 1. Faites court

OK, vous venez donc de terminer le background du personnage de Lord Dartmouth. Ce type fourbe a un long passif de meurtres machiavéliques et de troubles à son actif, et vous voulez que les PJ aient vent de ses vilenies - soit parce que vous voulez les motiver à s’opposer à lui, soit parce qu’il s’agit d’informations nécessaires pour l’arrêter, ou juste parce que c’est intéressant.

La première chose dont il faut se rappeler, c’est que les joueurs n’ont qu’un temps d’attention limité. Si vous essayez de leur donner toute l’histoire de Lord Dartmouth en une seule fois, ils vont décrocher.

S’ils décrochent, c’est en partie car ils n’ont pas envie d’écouter votre monologue de trois minutes sur un morceau de savoir ésotérique qui ne signifie rien pour eux. Mais ils vont aussi décrocher car ce n’est pas si facile de traiter et de se souvenir de toute cette information. Peut-être que s’ils prenaient des notes… mais pour la plupart des gens, prendre des notes n’est pas particulièrement amusant.

Nous allons explorer des méthodes plus précises pour donner cette information. Mais quelle que soit la méthode que vous finirez par choisir, vous devez vous concentrer pour donner de petites rafales d’informations précises. Ça ne veut pas dire que toute la partie doit être simpliste ; simplement que les joueurs sont plus susceptibles de traiter, de se rappeler et de faire attention à des idées complexes si vous les communiquez en sections plus petites et plus compréhensibles.

De bien des manières, c’est aussi une technique plus efficace du point de vue dramatique. Révéler lentement la grande intrigue, morceau par morceau, est généralement bien plus intéressant que de voir venir MacCours, l’Elfe écossais, pour vous expliquer tout d’un trait.

2. Reliez-le à l’intrigue

Option 1 : MacCours passe trois minutes à expliquer que Lord Dartmouth est responsable de la destruction du village de Cairwoth, expliquant en détail comment cette horrible destruction a été menée.

Option 2 : Les PJ vont à Cairwoth et découvrent par eux-mêmes cette affaire de destruction — les marques de brûlure des boules de feu, les têtes coupées fichées sur des piques, les fosses communes ; les diaboliques laboratoires de sang.

Les joueurs se rappelleront mieux des choses que leurs PJ ont vécu que celles dont on leur a parlé. Les quêtes et missions sont des manières particulièrement évidentes d’incorporer de tels détails.

Mais faites attention s’il vous plait, j’ai parlé d’intrigue, pas de background. La distinction entre les deux est subtile, mais importante.

Si les PJ sont envoyés en mission pour livrer l’épée Rage-Étoile au Tribun Elfique du bois d’argent, cela ne signifie pas que la leçon de cinq minutes de MacCours sur le background et l’histoire de l’épée Rage-Étoile est soudain devenue une part de l’intrigue.

En fait, la seule chose que vous pouvez réalistement espérer de ce début de partie est que les joueurs se rappellent qu’il existe quelque chose nommé une « l’épée Rage-Étoile ». Et même cela pourrait déjà être un trop grand espoir car ce qu’ils ont probablement entendu était : « Allez livrer le MacGuffin à MacGuffin Land ! » Tout le monde aime un bon MacGuffin, mais tout comme MacCours, personne ne fait vraiment attention à son contenu.

NdT : terme popularisé par Alfred Hitchcock, le MacGuffins wiki désigne un objet-excuse pour le  scénario, que tout le monde veut récupérer : le faucon maltais, les plans de l'Etoile Noire, une mallette pleine de documents secrets, un objet magique pouvant sauver ou détruire le monde, etc.

D’un autre côté, si durant leur mission de protection, les PJ sont en position d’entendre parler des pouvoirs secrets d’une certaine épée Rage-Étoile, et se retrouvent alors forcés de s’engager dans une conspiration de ruses et de dissimulations pour éviter que ces détails secrets ne parviennent au Tribun Elfique (qui serait furieux que de tels étrangers aient entendu parler des secrets de leur épée)… et bien vous avez fait en sorte que ces détails soient une partie de l’intrigue. Les PJ se rappelleront des pouvoirs de l’épée, et ils se rappelleront que le Tribun Elfique souhaite les garder secret.

Faire de quelque chose une part de l’intrigue, cependant, ne signifie pas toujours en faire une grosse affaire compliquée. Voici un nouvel exemple, tiré de ma campagne actuelle celui-là : les PJ cherchent une information qui peut être trouvée dans la tombe d’Alchestrin. Au cours de ce scénario, je voudrais fournir un peu de détails sur le personnage d’Alchestrin. Une de ces informations est qu’Alchestrin était le troisième seigneur du château de l’Écharde.

« Troisième seigneur du château de l’Écharde. » C’est un titre. Rien n’est plus susceptible de rentrer par une oreille pour ressortir par l’autre qu’un titre. (Il ne s’agit pas que des joueurs, c’est aussi vrai de manière plus générale dans la vie. Par exemple, jetez un coup d’œil à la liste complète des titres et honneurs de feu sa majesté la Reine d’Angleterre Elizabeth II wiki. Est-ce que vos yeux sont passés dans le vague vers la moitié de la lecture ? Je le pense.)

Mais je peux facilement en faire une partie de l’intrigue :

Joueur 1 : Il faut que l’on trouve la localisation de la tombe d’Alchestrin.

Joueur 2 : Qu’est-ce que l’on sait sur lui ? Je fais un jet de Connaissance (Histoire).

MJ : C’était le troisième seigneur du château de l’Écharde.

Joueur 1 : Allons au château de l’Écharde et voyons s’ils savent quoi que ce soit.

Honnêtement, ils ne vont probablement même pas se rappeler qu’Alchestrin était le troisième seigneur du château de l’Écharde. Mais c’est assez probable qu’ils vont au strict minimum se rappeler qu’il y a un lien entre Alchestrin et le château de l’Écharde.

(En pratique, les PJ ont explosé mon petit plan en impliquant indépendamment le château de l’Écharde dans cette suite d’évènements avant même que je ne mentionne le nom d’Alchestrin. Mais bon.)

3. La règle d’or

Laissez-moi vous mettre au parfum de la règle d’Or du Jeu, formulée par Ben Robbins :

Les joueurs font attention quand vous leur parlez de trésors.

(Vous voyez, c’est la règle d’Or, parce que je ne peux pas résister à un jeu de mot pareil. Vous l’avez ? Bon, laissez tomber.)

La fois où vous serez sûr d’avoir l’attention entière de toute la table, ce sera la fois où vous ouvrirez le sac à goodies et que vous vous apprêtez à faire la distribution.

Vous voulez qu’ils en apprennent un peu sur l’ancien empire nain qui régnait sur la surface des éons avant que la Guerre des Dragons ne les forcent à se retrancher dans leurs citadelles des montagnes ? Alors laissez-les trouver une cache d’anciennes pièces naines avec la devise impériale : « Tout ce qui brille sous le soleil sort de nos forges » écrit dessus. Mettez le poiçon de forge des armureries de GrandChute sur la prochaine épée magique qu’ils trouveront. Donnez-leur une carte au trésor menant jusqu’aux ruines d’un ancien palais nain.

Parfois, le savoir lui-même peut être le trésor : des livres de connaissance, des journaux, tout ce genre de truc peut faire partie du butin.

Et parfois, vous pouvez utiliser le savoir pour augmenter la valeur du trésor. Par exemple, ils pourraient trouver une très belle tapisserie valant une centaine de pièces d’or. Un jet d’Histoire réussi leur fera cependant reconnaître cette tapisserie comme la représentation de la Bataille de Feufléau. Trouver le bon collectionneur, et la valeur de la tapisserie a quintuplé. La Bataille de Feufléau n’est plus simplement un bout de texte d’ambiance — c’est la raison pour laquelle ils ont gagné autant d’argent.

4. Faites-en un mystère

Prenez votre savoir, divisez-le en une suite de révélations spécifiques. Puis utilisez La Règle des Trois Indices :ptgptb pour saupoudrer généreusement votre campagne des indices nécessaires à la compréhension de chaque révélation.

Si les joueurs ont des difficultés pour trouver quelque chose, alors ils vont se concentrer dessus. Et ils auront un sentiment d’accomplissement quand ils parviendront à assembler les pièces du puzzle. Bien sûr, cela signifie que vous devrez trouver comment les motiver pour qu’ils cherchent. (À moins que vous ne soyez chanceux et soyez tombé sur des joueurs qui se motivent tout seul à la moindre mention d’une énigme.)

De bien des manières, en faire un mystère est juste une manière précise de le rendre court (en divisant les informations en révélations séparées) et d’en faire une partie de l’intrigue (en fournissant aux joueurs une motivation pour chercher la solution).

5. Faites-en une affaire personnelle

Revenons un instant à la destruction du village de Cairwoth par Lord Dartmouth. Si Cairwoth était la ville natale d’un des PJ, et que ses parents ont été massacrés par Dartmouth, cela rend tout de suite cet événement plus marquant !

Bien sûr, en faire une affaire personnelle (1) pour les PJ ne veut pas forcément dire que ça doit être traumatisant. Si on laisse une PJ trouver des documents qui suggèrent qu’elle pourrait être une descendante en ligne directe du Duc d’Argent d’Amartain, par exemple, on a de bonnes chances qu’elle absorbe avidement toute information qu’on pourrait lui balancer à propos de ce Duc d’Argent.

Ces liens personnels peuvent émerger en pleine partie, mais ils peuvent aussi être établis dès la création des personnages.

Dans mes campagnes, la création des personnages a tendance à être un processus collaboratif :

  1. Je fournis au joueur une feuille avec ma description habituelle du contexte de la campagne
  2. Le joueur me présente le concept de son personnage. Cela peut aller du simpliste “Je veux jouer un magicien humain" au bref “J’aimerais jouer un barbare venu du Nord. Je trouve que ce serait sympa si mon village avait été attaqué par des esclavagistes” et jusqu’à la biographie élaborée de trois pages.
  3. Je garde ce concept et je l’étoffe grâce à ma meilleure connaissance du contexte de la campagne.
    (S’il me dit qu’il veut jouer un barbare, je l’associe à une tribu particulière avec une culture adéquate et des détails historiques, par exemple)
    En général, mon but ici est de ne pas toucher au concept. Je travaille juste à l’aider à prendre conscience de ce concept.

La majorité de ces étapes se fait par courriel, et il est courant que ce concept de personnage fasse des aller-retours plusieurs fois tandis que nous le perfectionnons. Parfois mes suggestions sont complètement à côté de la plaque, à tel point que nous repartons de la feuille blanche pour essayer une autre approche.

Mais je digresse. L’idée importante est que ce processus collaboratif de création de personnage peut être utilisé pour déterminer des caractéristiques de l’univers. Parfois il s’agit d’un élément qui aura son importance au cours de la campagne. Ou parfois c’est juste un truc cool que vous aurez envie de partager. Mais dans tous les cas, vous vous placez dans une situation où :

  • le joueur va attacher de l’importance à ces détails et
  • c’est lui qui va se charger du gros du travail pour partager ces détails avec les autres joueurs

Une autre digression. Ça ne se passe pas toujours comme prévu, bien sûr.

Dans une partie, je pensais avoir mis les choses en place pour que l’un des PJ – dont le trait de personnalité principal était le désir de découvrir des secrets – était dans une situation où il pouvait acquérir diverses connaissances cachées.

Je pensais que je pouvais exploiter cette passion du personnage pour la recherche de secrets et amener ces informations dans la partie.
Le seul problème ? En définitive, le personnage voulait trouver des secrets … pour pouvoir les garder.
Les informations arrivèrent au PJ … et s'arrêtèrent là, ce qui créa une dynamique bien différente de ce que j’avais imaginé.

6. Jouez cartes sur table

Distribuer des documents permet de transmettre des informations efficacement pour deux raisons :

  • Les joueurs adorent ça. Sortez une feuille et ils vont se redresser et prêter attention.
  • Ce sont des éléments tangibles et persistants.

Ce que vous dites aux joueurs peut rentrer par une oreille et sortir par l’autre. Ou être oublié à la prochaine session.

Mais s’il s’agit d’un document, ils auront constamment le rappel que cette information existe. Et s’ils oublient un détail, ils peuvent simplement le consulter à nouveau. [autrement dit : "les paroles s'envolent, les écrits restent, (NdT)]

Bien que des documents élaborés et détaillés attirent plus l’attention et l’intérêt, ne soyez pas si absorbé par ces exigences au point d’hésiter à utiliser des documents. Par exemple, je vais rarement prendre le temps d’écrire une lettre à la main sur un parchemin à l’aspect authentique … mais je vais fréquemment l’imprimer et leur fournir sur une feuille à part (2).

7. Répétez, répétez, répétez

Nous apprenons grâce à la répétition de l’information. Si une chose est mentionnée une seule fois, nous allons peut-être la retenir. Une deuxième fois, nos chances s’améliorent. Si elle est répétée de nombreuses fois, nos cerveaux vont l’identifier en général comme une information importante et l’archiver.

Le problème des redites c’est qu’elles peuvent aussi être franchement rasoir. Avoir les mêmes bribes d’information rabâchées encore et encore aux oreilles des joueurs n’est pas très intéressant, et va au final amener à une réponse exaspérée : “Oui. OK. On a compris. Laisse tomber.”

Maintenant ils savent, mais ils n’en ont toujours rien à faire.

L’astuce, c’est de trouver une façon de rendre chaque répétition de la même information intéressante par elle-même. Ce qui est en fait plutôt facile à accomplir à condition de varier le type et le contenu de l’information.

Par exemple, imaginons que Barwin Wilderson (un célèbre héros demi-elfe) ait été placé en stase quelque part très loin sous la surface de la terre. Vous voulez que le moment où les PJ découvrent cette stase soit un moment vraiment WOW, comme s’ils découvraient Robin des Bois. Forcément, pour que ça fonctionne, il faut que les joueurs puissent apprécier à quel point Barwin Wilderson est quelqu’un de célèbre et d’important.

  1. Vous pourriez faire démarrer les aventures des PJ dans la ville de Barwin (qui sera bien entendu nommée d'après le héros légendaire - faites-en une affaire personnelle). Peut-être, histoire d’insister, un festival annuel pourrait s’y tenir en l’honneur du héros. Le festival pourrait même être perturbé par une attaque des Fées Noires (Liez-les à l’intrigue)
  2. Après avoir vaincu les Sorcières Ogres dans les Collines de l’Ouest, les PJ pourraient récupérer dans leur trésor la fameuse épée que Barwin avait égaré lors de ses premiers pas d’aventurier (Faites-en un trésor)
  3. Après avoir pillé la Tour des Mages Chromatiques, les PJ pourraient trouver une version ancienne des Aventures de Barwin Wilderson (résumées dans un document que vous donnez aux joueurs - jouez cartes sur table)

De bien des manières, ceci est simplement une nouvelle variante de la Règle des Trois Indices, et elle se combine naturellement avec la technique Faites-en un mystère. Dans la plupart des cas vous n’aurez même pas à rendre le mystère explicite : au fur et à mesure que les joueurs collectent diverses bribes d’informations sur Barwin Wilderson, ils commenceront eux-mêmes à essayer d’assembler le puzzle.

8. Cassez les règles pour plus d’impact

Si vous appliquez ces conseils, cela va commencer à modifier le paradigme de vos campagnes. Ce qui va amener à un changement intéressant : depuis que vous avez éliminé les occasions où MacCours fait ses monologues, vos joueurs sont tout à coup très intéressés quand MacCours se pointe (si vous le gérez correctement, bien entendu).

Par exemple, j’ai récemment laissé un PNJ d’une de mes campagnes à Ptolus :grog sortir un discours long d’une page à propos de l’histoire des Banewarrens :grog [des geôles magiques remplies d’artefacts maléfiques (NdT)]. Au lieu de servir de prétexte à mes joueurs pour déconnecter, cet événement a au contraire tenu lieu de point culminant pour toute la session, et a amené un suspense aigu et excitant à la fin de la partie.

Comment cela a-t-il pu fonctionner ?

  1. Les Banewarrens ne leur étaient plus complètement inconnus. J’avais parsemé toute la campagne de divers indices à propos de leur existence et de leur importance. De ce fait, les joueurs étaient à la recherche de plus d’informations.
  1. Comme j’avais suivi les “règles” présentées ci-dessus, les joueurs avaient pris l’habitude de recevoir seulement quelques bribes d’information à la fois. Quand ils ont été brusquement inondés d’informations, ils les ont dévorées comme des affamés car ils savaient qu’il s’agissait d’un événement clé, présage de l’avenir.
  1. J’avais aussi posé les fondations de cette atmosphère de présages. Le PNJ qui leur fit ce cours était déjà connu des PJ depuis longtemps, mais quand elle monta sur scène pour discourir, elle leur parut être quelqu’un de très différent. Ils n’étaient plus juste à traîner dans un bar à prendre du bon temps. C’était important pour elle. Et comme elle était devenue importante à leurs yeux, ça donna du poids au fait qu’elle considère cela important aussi.

Bref, comme la plupart des règles, vous devrez juger quand les utiliser et quand les détourner. Mais il est aussi important de réaliser que pour casser les règles efficacement, il faut les avoir utilisées régulièrement avant.

Article original : Random GM Tips: Getting the Players to Care

Sélection de commentaires

Pteryx

La digression mentionnée à la fin de la section 5 résonne hélas familièrement à mes oreilles. En particulier, j’ai subi un PJ qui gardait pour lui tous les indices sur un mystère concernant tout le groupe, pour essayer de le découvrir tout seul et avoir l'air plus malin que s’il avait partagé les pièces du puzzle. Dans cette campagne un autre PJ finit par découvrir que le non-communiquant en savait plus qu’il ne le laissait entendre

Un autre genre de soi-disant “passionné par les mystères” qui a gâché certaines situations est un type de personne que j’appelle le Définisseur. En résumé, un Définisseur crée de sa propre initiative un personnage supposément à la recherche de mystères à résoudre : un détective, un orphelin étudiant l’histoire de sa famille, ou une personnage similaire. Ensuite, ce PJ ne montre aucun intérêt pour la recherche d’indices, poser des questions, raisonner avec logique ou interroger des gens. À la place, il veut décider de la réponse et avoir raison.

Il n’implique même pas le MJ ; non, il intime aux autres joueurs de penser qu’il doit avoir raison et attend ensuite que le MJ justifie sa position. Ou alors il garde top secret le fait qu’il avait en tête une histoire familiale, jusqu’au moment où le MJ laisse glisser qu’il a comblé ce qui semblait manquer dans le passé du personnage. Mais même recevoir gratuitement une solution n’est pas assez bien pour lui - il veut utiliser le mystère comme un levier pour usurper l’agentivité du MJ sur l’historique et la scène.

GE Leto

Je me suis rendu compte que quand je maîtrise une partie, je préfère avoir un groupe qui a envie d’interagir avec le monde, et pas juste d’aller tuer des trucs.

Je m’inspire aussi beaucoup des écrivains (les bons, ceux de la période "pulp"). J’ai été influencé par Raymond Chandler, Robert E. Howard et Ian Fleming pour le rythme et la mise en place. Finalement, les joueurs réagissent mieux à ce genre d’histoires plutôt qu’à des descriptions excessivement longues ou à des quêtes épiques. C’est pourquoi, quand je cherche l’inspiration pour développer une intrigue, je me tiens prudemment à l’écart de Tolkien, Terry Brooks ou Robert Jordan. Il vaut mieux décrire un homme en un paragraphe simple et rapide comme le fait Robert E. Howards, et ensuite illustrer ce paragraphe au cours du temps avec les actes de cet homme.

Créer un univers bien vivant ne fonctionne pas en lisant continuellement des descriptions, mais plutôt en montrant des illustrations, des images des livres, et en permettant aux joueurs d’interagir avec le monde. Mais il faut qu’ils s’intéressent à ces interactions.

Honnêtement, je passe plus de temps à détailler des bacs à sables pour y faire jouer les PJ qu’à planifier l’intrigue. Parfois, l’intrigue se dévoile naturellement, mais en fonction des thèmes et de l’humeur des parties, j’utilise différentes techniques. Par exemple, j’ai beaucoup de succès en appliquant l’axiome de Chandler “Quand l’action stagne ou que l’intrigue ralentit, que quelqu’un défonce la porte un flingue à la main” à un Conan motorisé par le système D20 ; mais je n’utiliserais pas la même approche dans une partie de Ravenloft où la tension monte progressivement.

Rayyn

“Montrer plutôt qu’expliquer”, toujours un excellent conseil.

Quelque chose que j’essaye toujours de montrer, ce sont toutes les petites particularités liées aux interactions sociales et aux différences de personnalité. À force de voir Kiara être respectueuse envers ses supérieurs, par exemple, on sait que quelque chose cloche quand elle leur dit qu’il y a des choses qu’ils n’ont pas besoin de savoir. Si vous avez l’habitude d’entendre un « Entrez » immédiat quand vous frappez à la porte du bureau de votre patron, frapper sans obtenir de réponse souligne encore plus son absence. Si une PNJ qui est restée dans son coin sans broncher pendant toute la partie s’enfuit avec juste une vague excuse, ne s’arrêtant que pour dire à quelqu’un qu’elle l’observait depuis un moment, il s’est probablement passé quelque chose d’important. Si un des dieux d’une ville dont la population vient d’être massacrée est assis dans son temple, jouant avec une boîte à musique sans se rendre compte de quoi que ce soit, pendant qu’une autre bat des gens qu’elle n’aurait pas dû être capable de vaincre pour les empêcher d’intervenir, et qu’un autre est convaincu qu’il n’y a pas de dieux ? Là on a un problème, et un gros. Cela peut prendre un certain temps pour que ce genre de choses marche, et la mise en place doit se faire une longue période, ou lors de la même partie que la révélation, mais quand ça marche, ça marche vraiment bien.

(Ça aide aussi que je m’amuse plus quand les gens interagissent avec les PNJ et quand ils partent à l’aventure.)

J’ai aussi tendance à faire clairement comprendre aux joueurs qu’il y a bien des secrets à découvrir. Cela les rend curieux, ce qui les pousse à chercher des informations – et s’ils cherchent des informations, ils auront plus de chance de les obtenir et de les retenir.

guiguiBob

Merci, vous venez de me montrer exactement ce qui avait cloché lors de ma première tentative en tant que MJ. J’avais un super scénario et des PNJ intéressants, mais pas les moyens pour que mes joueurs interagissent avec eux et en apprennent plus à leur sujet.

Maintenant il faut juste que j’essaie d’appliquer tes conseils, et que je réessaie. Merci pour les conseils.

Justin Alexander

C’est un des meilleurs compliments que j’ai jamais reçus. Merci !

C’est super que tu te réessayes à faire MJ. C’est un des aspects de ma vie que je trouve le plus satisfaisant d’un point de vue créatif. Et j’essaie toujours de trouver de nouvelles façons de m'améliorer. Comme la plupart des arts, la maîtrise n’est jamais atteinte, on ne fait que s’améliorer en permanence. :-)

Eric

A propos du point 6, l’objet que l’on donne aux joueurs n’est pas obligé d’être une réplique de l’objet en jeu. Cela peut être tout simplement une fiche bristol avec quelques mots et un dessin.

C’est comme ça que m’y prends pour tous les objets magiques que je fournis, d’une simple dague ou potion de soin, jusqu’à des objets plus impressionnants; mais je fais la même chose (par exemple) pour les lieux remarquables du genre « Gros rocher en forme de grenouille ». (Les PJ ont découvert qu’il y avait de nombreux gros rochers en forme de créatures diverses dans la nature.)

Au bon d’un moment les joueurs accumulent une collection conséquente de cartes (3). Mais je les encourage à écrire ce qu’ils veulent sur ces cartes (sur la carte d’une dague magique : « dérobée au Roi Gobelin, Caer Ostonian, Collines de Peyrgrise ; fête de printemps, 998 KR ; Hélas, nous avons perdu Aegwine, puisse-t-il reposer en paix. »)

 

(1) NdT : Coïncidence, Faites-en une affaire personnelle est le titre d'un article sur l'implication des PJ... [Retour]

(2) NdT : vous pouvez télécharger notre e-book n°20 : l'accessoire, c'est l'essentiel !  qui contient notamment l'article sur ce qui fait une aide de jeu utile ptgptb et les fiches d’aides maison [Retour]

(3) NdT : au sujet des cartes comme antisèches, lire Un jeu de cartes ptgptb [Retour]

 

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