L’Art d’arbitrer 11 - Résolution de l’action contre résolution narrative

 

Vers l'article 10

pochoir de Banksy ; femme masquée, coktail Molotov à la main, pancarte "il you want to achieve greatness, stop asking for permission"

Mieux vaut demander pardon que permission - Eragon (NdT)

Oser et faire. Il est plus facile de demander le pardon après, que la permission avant - Grace Hopper (NdT)

En vertu d'une longue tradition, la plupart des jeux de rôle ont des systèmes de résolution des actions. Il existe cependant un autre paradigme qui pourrait vous être utile : la résolution narrative.

L'exemple classique pour distinguer les deux est une scène où les PJ tentent de trouver des documents cachés dans un bureau contenant un coffre-fort verrouillé.

  • Avec la résolution de l’action, les règles déterminent s'ils peuvent ou non forcer le coffre-fort.
  • Avec la résolution narrrative, elles déterminent s'ils trouvent ou non les documents.

Il convient de noter que cette distinction ne nécessite pas nécessairement des règles différentes : d'un point de vue mécanique, les deux tentatives peuvent être résolues par le même test de crochetage. La différence réside dans la manière dont vous définissez les enjeux du test et dont vous interprétez le résultat.

  • Avec la résolution de l'action, le joueur ou la joueuse déclare « Je veux faire Y » en espérant ou en s’attendant à ce que X soit accompli.
  • Avec la résolution narrative, le joueur déclare « Je voudrais accomplir X en faisant Y ».

Les deux approches présentent des avantages et des inconvénients.

Avec la résolution narrative, le fait de pouvoir dire « voici comment j'aimerais résoudre ce problème » donne aux joueurs plus de contrôle sur leur scène, et permet au MJ d'adopter une approche plus générale dans sa préparation.

Le MJ sait qu'on peut trouver des preuves compromettantes  dans le club. Les joueurs décident si leurs persos veulent les obtenir en se faufilant dans le bureau et en forçant le coffre-fort, en séduisant la chanteuse du bar, en interrogeant le propriétaire du club ou en mettant l'endroit sous surveillance.

D’un autre côté, la résolution de l'action amène généralement à une expérience simulationniste - plus centrée sur la simulation de l’univers ; pour de nombreux individus, ce réalisme peut apporter une meilleure sensation d’immersion.

Cela permet également un éventail de résultats plus diversifié - et ça empêche le partie de devenir trop prévisible.

Par exemple, les PJ réussissent à ouvrir le coffre-fort, mais au lieu de trouver les preuves d’une opération criminelle, ils trouvent les photos compromettantes de JFK en train de coucher avec Marilyn Monroe, que la mafia utilise pour faire chanter le président. Que font-ils alors ?

Utiliser la résolution narrative

Sans surprise, la résolution narrative est souvent propice (et associée) aux JdR narrativistes. Mais pas seulement : n'oubliez pas que des facteurs extérieurs indéterminés (1) sont généralement pris en compte dans la mécanique de résolution. Un de ces facteurs externes pourrait être la présence ou non des documents recherchés par les PJ dans le coffre-fort. Le ou la MJ est simplement en train de dire : « Je ne sais pas encore s'il y a des documents compromettants à l'intérieur ; utilisons les règles du jeu pour le découvrir ensemble. » Cela peut nécessiter un changement radical de votre façon de penser — c'est littéralement un paradigme différent pour interpréter des résultats des jets — mais ça n’en est pas moins valable.

Curieusement, la résolution narrative se combine plutôt bien avec le revers fructueux ptgptb. Je dis « curieusement » car ce n’est pas intuitif d’associer un système basé sur l’objectif pour en déterminer la réussite, avec une technique basée sur l’hypothèse que l’échec est certain (avec des complications).      

Je pense que cela fonctionne parce que la résolution narrative se concentre sur l'objectif, et ce focus rend plus naturel le recours au revers fructueux (lui aussi axé sur l'objectif).

La résolution narrative est aussi bien adaptée à des situations plus longues [voir aussi le test d’ensemble ptgptb (NdT)], et laisse beaucoup de place aux types de complications intéressantes qui rendent le revers fructueux vraiment digne d'intérêt.

Confusions courantes

J'ai repéré quelques erreurs courantes que font les rôlistes en essayant d'appréhender les différences entre la résolution narrative et la résolution de l’action.

Quand on découvre le concept de résolution narrative, il n'est pas rare d’introduire un test en faisant correspondre la résolution de l’action avec l'objectif souhaité par les PJ, et d’affirmer ensuite qu'il n'y a aucune différence entre les deux.

Par exemple, vous pouvez préparer un scénario dans lequel un joueur dit : « Je veux me faufiler et prendre les clés du garde. » L'action consiste à se faufiler et à prendre les clés ; le résultat souhaité est de se faufiler et de prendre les clés. Alors, quelle est la différence ? Eh bien, dans ce cas, il n'y en a aucune. Le scénario appartiendrait aux deux ensembles .

intersection de la résolution d'action et de la résolution narrative

Étrangement, ceux qui tentent d'expliquer le concept de résolution narrative affirment souvent que les règles habituelles de combats sont une forme de résolution narrative. Leur argument ? « Tuer cette personne » serait le résultat narratif souhaité et, par conséquent, les mécanismes de combat fourniraient une résolution narrative de ce résultat.

Mais il s'agit en réalité de la même erreur sous un angle différent. « 0 PV ⇒ MORT » n'est pas un système de résolution narrative. Cela indique simplement si votre perso a tué quelqu'un ou non (tout comme un test d'attaque indique s’il a touché quelqu'un de son épée). En fixant comme objectif narratif « tuer cette personne », vous donnez une fois de plus l'impression superficielle que la résolution de l'action est une résolution narrative.

À quoi ressemblerait une règle de résolution narrative ? Eh bien, ce serait « 0 PV ⇒ vous avez atteint votre objectif , quel qu’il soit ». L’objectif pouvait être : s'échapper, convaincre la princesse que vous êtes un meilleur épéiste, impressionner votre maître, ou encore tuer quelqu'un.

Remerciements finaux

Ce concept – incluant l'exemple classique du cambriolage de coffre-fort – a été défini en pour la première fois par Vincent Baker qui utilisait alors les expressions « résolution de tâche » et « résolution de conflit ». Ces termes sont devenus relativement populaires et beaucoup de mes lecteurs se demandent peut-être pourquoi j'ai choisi de les remplacer par les termes « résolution par l'action » et « résolution narrative ».

En gros, après avoir participé à plusieurs dizaines de discussions sur ce sujet au cours de la dernière décennie, j'ai constaté que les termes « résolution de tâche » et « résolution de conflit » sont une source de confusion profonde et constante.

D’une part, dans le langage courant, l'usage du terme « tâche » est souvent axé sur l'objectif : on vous assigne une tâche, puis vous déterminez comment vous allez l'accomplir. Cela semble contribuer fortement à la première confusion décrite ci-dessus (on a du mal à distinguer les règles de résolution axées sur les tâches et celles axées sur les objectifs).

D’autre part, le terme « résolution de conflit » n'a de sens que dans le cadre d'une conception très précise et antagoniste des interactions MJ - joueurs. Si on examine l'ensemble des réflexions de Baker en 2004 (il se débattait alors pour comprendre les conséquences du caractère conflictuel de cette relation), on comprend mieux pourquoi il a choisi le terme « conflit ». Mais en dehors de ce contexte spécifique, le terme prête à confusion, comme évoqué plus haut. J'ai également constaté qu'il induisait souvent les gens en erreur, en les amenant à croire que la « résolution de conflits » ne s'applique que lorsqu'un PNJ s'oppose au PJ (directement ou indirectement).

Je ne pense pas vraiment que ma terminologie révisée sera adoptée largement, mais ce n'est pas ma principale préoccupation : ma principale préoccupation est d'essayer de communiquer clairement un ensemble de concepts utiles à ceux qui lisent cet essai.

Vers l'article 12

Article original : Art of Rulings 11 – Narrative vs. Action Resolution

Sélection de commentaires

Rob Alexander

Comment aurais-je géré l'exemple avec le coffre-fort ? Je ne sais pas trop. Une option aurait été de révéler à l'avance si les documents se trouvaient ou non dans le coffre-fort. Dans mes parties, j'ai donné aux joueurs beaucoup d'informations méta-jeu qu'ils étaient censés garder secrètes.

Un exemple réel tiré de Burning Wheel grog :

Moi : « OK, tu vas associer les compétences Ingénieur et Météorologue pour construire une digue qui empêchera les tempêtes d’endommager gravement le port. Il te faudra... Trois succès. Si tu échoues, la digue semblera solide, mais elle aura en fait une faille qui la fera s'effondrer dès la première grosse tempête et aggravera encore les dégâts du port. »

Le joueur a lancé les dés et obtenu peut-être un seul succès. Il savait que sa digue était un désastre, mais il ne pouvait pas agir sur cette information (1).

Une autre option, plus probable, aurait été que je dise :

« Tu ne peux pas choisir comme enjeu de « récupérer les documents dans le coffre-fort » car tu ne sais pas s'ils s'y trouvent. Tu pourrais prendre comme enjeu de « découvrir si les documents se trouvent dans le coffre-fort » ou de « récupérer le contenu du coffre-fort ». L'un ou l'autre de ces enjeux te convient-il ? »

(1) NdT : cet exemple fait bien penser à des parties de JdR horrifiques. Les conséquences sont connues d’avance, mais les persos sont impuissant-es à les empêcher ; c’est ce qui créé la peur chez les PJ et la tension côté joueur-euses. Ça marche chez les Meneuses qui mènent ainsi certaines parties. [Retour]

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