Structures de jeu (15-16)
© 2012 Justin Alexander
Chapitre 15 : Structures de scénarios génériques
Les premiers JdR avaient des structures de jeu uniques pour à peu près tout. Dans l’édition originale de D&D, par exemple, échapper à des monstres dans un donjon avait une structure de règles, et éviter des monstres dans la nature en avait une complètement différente. Les tous premiers auteurs de JdR, lorsqu’ils étaient confrontés à la nécessité de résoudre l’issue d’une nouvelle situation, se contentaient de créer des mécanisme entièrement nouveaux et de nouveaux paradigmes pour les gérer.
Cela n’a pas duré longtemps : les systèmes qui avaient bien fonctionné par le passé ont été reconvertis. Les systèmes similaires ont vu leurs redondances supprimées. Plus important encore, les MJ qui cherchaient à arbitrer des actions imprévues ont rapidement développé des méthodologies cohérentes :
« Quand vous vouliez faire X, nous avons fait Y. Maintenant, vous voulez faire quelque chose qui ressemble à X, alors nous utiliserons Y à nouveau. »
Et cela a très rapidement évolué vers le premier mécanisme universel et générique : en lançant 3d6 ou 1d20 et en le comparant au score de capacité du personnage.
Peu après, l’idée de modifier ces jets en utilisant les compétences du personnage est apparue. Ces modifications ont rapidement muté puis se sont généralement arrangées en un système « score de capacité + modificateur de compétence » qui a essentiellement dominé les systèmes des JdR au cours des trois dernières décennies.
L’avantage d’avoir une mécanique générique et universelle est que cela fournit au MJ un outil robuste pour prendre des décisions à la table. Avec une liste de compétences complète, par exemple, la décision de résoudre une action précise est simplement une question de sélection de la compétence appropriée.
(Par contre, au début du loisir, dans de nombreux JdR, le processus de décision impliquait souvent d’inventer d’abord les outils. Cela n’était pas rare d’inventer littéralement des mécanismes entièrs à partir de rien. Il n’est pas surprenant que les MJ [utilisant ces systèmes créent presque par réflexe un mécanisme universel le plus rapidement possible).
C’est évidemment bon pour le MJ (pour la même raison que les menuisiers aiment avoir une boîte à outils au lieu de devoir réinventer le marteau pour tout nouveau projet), mais c’est aussi bon pour les joueur.euses : cela crée un environnement flexible où on peut tenter toute action donnée dans la structure de la structure de jeu. Cela signifie que toute action peut être proposée sans enliser la session ; cela signifie également qu’il n’y a pas de biais structurel pour ou contre tout type d’action. Bien entendu, il peut toujours y avoir un biais systémique si certaines actions sont plus faciles que d’autres, mais c’est un problème distinct.
Quand je parle de « biais structurel », je fais référence au fait que le jeu gravite généralement vers des structures de jeu existantes. J’en ai déjà parlé à plusieurs reprises : par exemple, s’il existe un système pour prospecter des pierres précieuses, il est probable que les joueur.euses iront prospecter. Si un jeu de rôle contient un système robuste pour résoudre les énigmes, mais ne comporte pas de mécanismes pour résoudre les combats, il est probable que les parties verront beaucoup plus de duels d'énigmes avec des mots qu’avec des balles.
Les structures de scénarios génériques
Si un mécanisme de résolution d’action, générique et universel, est utile, il n’est pas difficile de voir à quel point une structure de scénario générique et universelle serait plus utile. Avec un tel outil, les MJ pourraient sans heurt faire évoluer leurs campagnes de manière à ce qu’elles puissent être pratiquement tout et tout cela serait aussi solide, divertissant et gratifiant qu’une exploration de donjon ou un combat.
Il n’est donc pas surprenant que l’histoire de notre loisir soit parsemée d’efforts visant à étendre le mécanisme générique et universel pour y inclure des structures plus importantes aux niveaux micro et macro. Nombre de ces efforts n’ont historiquement été que des lignes directrices rudimentaires, tâtonnant souvent dans le noir vers un objectif mal compris. D’autres, cependant, ont tenté de créer des structures plus complètes et mieux définies.
Ces dernières années, l’exemple le plus connu de ce genre de choses a presque certainement été les défis de compétences (1) de la 4e édition de D&D.
Et, malheureusement, les défis de compétences montrent toutes les défaillances typiques de ces systèmes : mécanismes dissociée (y compris les propriétés dissociées émergentes). Un vide systémique qui se traduit souvent par un mécanisme de jeu fondamental qui n’est « pas amusant ». On empêche les joueurs de faire des choix significatifs (ou on leur interdit purement et simplement ces choix). Et ainsi de suite.
Dans le chapitre 11, j’ai énuméré six propriétés des structures de jeu efficaces :
- Elles devraient être flexibles (permettant aux joueur.euses de prendre des décisions sans être contraints par la structure).
- Elles devraient permettre de prendre des décisions significatives.
- Elles devraient permettre aux joueurs de prendre des décisions qui sont liées à l'intrigue et aux caractères de leurs personnages.
- Les actions par défaut de la structure devraient être liées aux structures de récompense du jeu.
- Elles devraient être amusantes.
- Elles devraient être faciles à préparer.
Et si les défis de compétences répondent à certains de ces critères (plus ou moins selon la version exacte des règles de défi de compétences que vous utilisez), ils ne répondent évidemment pas à la plupart d’entre eux (et sans doute aux plus importants).
La plupart de ces problèmes semblent survenir en raison du manque de précision inhérente à une structure générique. Par exemple, alors qu’il est possible de décomposer presque toute activité en une « action » abstraite qui peut être résolue avec un jet de compétence générique, les différences procédurales et structurelles entre, par exemple, la négociation d’un traité de paix, la traversée en toute sécurité d’une forêt hantée ou la prospection de pierres précieuses, semblent défier une approche générique. Et lorsqu’on tente une telle approche générique, le résultat est généralement bien différent de l'action, car les décisions mécaniques se séparent des décisions prises par les personnages dans ces situations uniques.
Les [jeux de plateau de type] Eurogames ["à l’Européenne", avec des règles qui laissent peu de place au hasard, et misent sur la réflexion, la planification ou l’optimisation ; elles sont assez abstraites et sans lien direct avec le thème abordé (NdT)] ; mais elles prouvent que les représentations de mécanismes abstraits peuvent encore fournir une expérience de jeu fondamentalement amusante. Par contre, les efforts pour résoudre les problèmes de dissociation des structures de scénarios génériques tendent à mettre l’accent sur des mécanismes plats et fades qui s’efforcent d’être aussi « conventionnels » que possible.
Historiquement, cela semble être un exercice d’équilibre insoluble :
- plus vous ajoutez de « l’intérêt » aux mécanismes, plus ils deviennent spécifiques, et plus ils se dissocient de l'univers de jeu.
- plus vous rendez les mécanismes génériques, plus ils deviennent fades et ennuyeuses.
Il ne semble pas non plus qu’on réussisse à résoudre complètement l’un ou l’autre : rendre les mécanismes moins spécifiques semble résoudre certains problèmes de dissociation, mais en introduit simultanément d’autres.
Le saint Graal
Le moment est venu pour moi d’annoncer une coupure spectaculaire de ce nœud gordien wiki, en dévoilant une incroyable structure de scénario générique qui révolutionnerait votre table de jeu.
Malheureusement, ce n’est pas le cas.
Une structure de scénario générique vraiment réussie, amusante et efficace serait le Saint Graal des jeux de rôle. Mais, tout comme le Saint Graal, il peut aussi être un prix inatteignable.
Par contre, à la même époque l’année dernière, j’aurais dit que même les structures génériques à un niveau de complexité comparable au combat (c’est-à-dire des structures génériques pour résoudre des conflits en plusieurs étapes) avaient largement échoué. Mais, comme je l’ai récemment indiqué alexandrian (en), Technoir grog a réussi à accomplir exactement cela ; bien que sous une forme que je n’ai pas encore réussie à décomposer pour l'adapter à d’autres JdR.
Il se peut donc que certaines percées soient à l’horizon ; il suffit d’attendre le bon moment et les bonnes circonstances pour qu’elles se concrétisent. Malheureusement, je ne serai pas celui qui les mettra sous les feux de la rampe (du moins pas aujourd’hui.)
Je soupçonne toutefois qu’une partie au moins du problème que pose la réalisation de ces percées réside dans le fait que notre gamme actuelle de structures de scénarios robustes et entièrement développées est terriblement limitée dans sa portée et sa variété. Si vous n’avez vu qu’une pomme et quelques poires, il serait difficile de faire de la rétro-ingénierie sur la définition générique du terme « fruit ».
Personnellement, je pense que ce serait formidable si nous commencions à voir plus de structures de scénarios uniques en leur genre et entièrement développées dans notre loisir. C’est quelque chose qui me prend de plus en plus de temps (comme cette série d’essais pourrait le suggérer), et je pense que de nombreux essais dans ce domaine commenceront à ouvrir des possibilités de jeu dynamique que nous ne pouvons même pas vraiment commencer à imaginer aujourd’hui - d’autant plus l'on recombine et maîtrise ces structures de scénarios robustes.
Sélection de commentaires
Jon
Je ne pense pas que la structure générique existe telle que tu la décris.
Il me semble que les scénarios sont structurés sur la base de l’interaction de cinq mécanismes : l’exploration narrative (que ton scénario en nœuds ptgptb accomplit avec brio), l’exploration hexagonale, l’exploration urbaine et l’exploration de donjon, tous liés par un mécanisme de résolution des conflits (combat, jet des compétences, etc.). Le MJ et les joueur.euses passent d’un mécanisme à l’autre selon les besoins. Rétrospectivement, on aura l’impression que l’aventure/la partie est bien structurée (d’abord A, puis B, puis C), mais il s’agit en fait d’une propriété émergente des mécanismes dans la partie.
À moins, bien sûr, que tu ne trouves un moyen d’intégrer sans heurt les différents types d’exploration topographique ptgptb dans une structure générique et universelle. Ce serait intéressant à voir.
Colubris
En jouant avec les structures ces derniers jours, j’ai trouvé utile de dresser la liste de leur hiérarchie : les structures d’exploration topographique, de situation, et de scène correspondent respectivement à l’exploration hexagonale, l’exploration de donjon et au combat.
J’ai découvert que de nombreuses structures peuvent faire double emploi en tant que deux niveaux adjacents. L’exploration nodale peut être « exploration topographique et de situation », comme le décrit Justin. Le siège peut être une situation (défendre une ville contre des maraudeurs) ou une scène (tenir la porte de la Moria pour gagner du temps pour s’échapper).
Je constate également beaucoup de chevauchements entre les structures potentielles et la Grande Liste des Intrigues pour Jeu de Rôle ptgptb de S. John Ross.
Article original : Game Structures – Part 15: Generic Scenario Structures
chapitre 16 : Structures de scénarios connues et inconnues des joueurs
Comme dernière rumination au sujet des structures de jeu, je veux discuter des structures de jeu connues et inconnues des joueurs et des joueuses et des différences entre les deux dans le jeu réel.
Laissez-moi vous montrer ce dont je parle à titre d’exemple.
L’hexagone inconnu
Dans les premières structures d’exploration d’hexagones, les joueurs étaient censés être conscients des hexagones. On lit p.ex. dans [le 3e livret de la première édition de Dungeon & Dragons] The Underworld & Wilderness Adventures volume 3 :
« Lorsque les joueurs s’aventurent dans cette zone, ils doivent avoir une carte d’hexagones vierge, et lorsqu’ils se déplacent dans chaque hexagone, l’arbitre les informe du type de terrain qui se trouve dans cet hexagone ».
En revanche, en créant la structure que j’utilise pour l’exploration d’hexagones alexandrian, j’ai fais exprès d'éviter cette approche. Bien que j’aie trouvé l’abstraction de la carte d’hexagones utile à bien des égards, je ne voulais pas que les joueurs et les joueuses aient une interface directe avec cette abstraction. Au contraire, je voulais que tous et toutes interagissent avec le monde du jeu.
Ainsi, tandis que j'utilisai l’abstraction de la carte d'hexagones pour sa commodité en matière de cartographie et d'indexage, mes joueur.euses devaient trouver comment naviguer dans le monde uniquement du point de vue de leurs personnages.
La version originale de l’exploration hexagonale est une structure de jeu connue des joueur.euses : ils peuvent voir, comprendre et même manipuler la structure de jeu que vous utilisez pour représenter le monde du jeu. La plupart des systèmes de combat sont un autre excellent exemple de structures de jeu connues des joueur.euses.
Ma version de l’exploration hexagonale est une structure de jeu inconnue des joueur.euses : ils ne perçoivent que le monde du jeu et ne savent pas exactement quelles sont les structures que vous utilisez pour préparer et faire fonctionner ce monde. Les rencontres aléatoires sont un autre exemple courant de structure de jeu inconnue des joueurs : ont-iels rencontré des gobelins dans ce couloir parce que la rencontre a été prévue (ou identifiée) à cet endroit ou parce que le MJ a lancé une rencontre aléatoire ?
Utiliser des structures inconnues des joueur.euses
Ma décision de cacher mes procédures d’exploration d’hexagones est habituelle pour moi. En tant que MJ, j’essaie généralement de trouver des méthodes simples pour organiser mon travail de préparation afin qu’il puisse être facilement et efficacement référencé et utilisé pendant la partie. Mais je ne veux pas nécessairement que mes joueurs et joueuses voient la structure que j’utilise. Je veux qu'ils voient le monde désordonné et chaotique dans lequel vivent leurs personnages.
La méthode à laquelle je me réfère est « la seconde piste d’aventures (Partie 4) ptgptg » dans la création avancée de scénario en nœuds ptgptb. J’organise deux groupes de nœuds distincts et faciles à gérer, mais je les mélange ensuite en jeu pour créer une réalité plus complexe.
J’ai discuté d’un autre exemple, celui des « changements d’élévation mineurs » dans le cadre des techniques Jaquays thealexandrian (en) :
« Lorsque les PJ arrivent à un escalier, ils peuvent naturellement supposer qu’ils montent ou descendent à un nouveau niveau du donjon. Mais en incluant des changements d’élévation mineurs dans la topographie d’un seul niveau du donjon, vous pouvez semer la confusion dans leurs attentes… Ces techniques ne consistent pas seulement à embrouiller la cartographie des joueur.euses ; vous perturbez leur capacité à deviner l’arrangement de vos plans en analysant la réalité du monde du jeu. Tout en conservant des plans propres et simples pour votre propre usage et référence, vous créez un monde qui non seulement semble plus dynamique et plus complexe, mais qui l’est vraiment ».
Plus généralement, si les joueur.euses ne connaissent pas la structure que vous utilisez, alors ils ne peuvent pas l’utiliser [en méta-jeu (NdT)]. Ils doivent proposer des actions selon le caractère de leurs personnages.
Voyez si vous pouvez imaginer un instant ce que serait le combat si les joueur.euses n’avaient aucune idée de la structure sous-jacente du jeu. Je ne parle pas seulement d’une partie où le MJ leur cacherait le nombre de points de vie qu'il reste à leur perso ; je veux dire que les joueurs et les joueuses ne savent pas ce que sont les rounds ; ils ne savent pas ce que sont les jets d’attaque ; ils ne savent pas ce que sont les points de vie (2). Quel effet cela aurait-il sur la façon dont le combat est vécu à la table de jeu ?
Dans le même ordre d’idées, faire fonctionner une nouvelle structure de jeu dans une configuration inconnue des joueurs peut être une excellente méthode pour diagnostiquer les insuffisances, les défauts et les dissociations de la structure. Si vous dites à vos joueur.euses : « Voici un système pour Oh la vache ! et il y a des règles pour A, B et C. » Vos joueurs et joueuses peuvent alors se concentrer exclusivement sur les options qui leur ont été présentées.
Mais si vous venez voir vos joueur.euses et leur dites : « Jouons un peu à Oh la vache ! », ils seront alors libres de proposer toute action qui leur vient à l’esprit. S’ils s’en tiennent à A, B et C, alors vous avez bien fait votre travail. S’ils proposent D, E, F et G, alors vous avez des trous à combler.
De même, si vous constatez que votre structure continue à attendre des joueurs qu’ils prennent des décisions - qu’ils ne prennent pas, ou qu’ils ne peuvent pas prendre sans être conscients de la structure - alors c’est un énorme indice que votre structure est dissociée.
Utiliser des structures connues des joueur.euses
Cela ne veut pas dire pour autant que les structures inconnues des joueur.euses sont le but suprême du jeu de rôles. À l’autre extrémité du spectre, les structures connues sont particulièrement utiles, car elles permettent aux joueurs et aux joueues de prendre des décisions influencées par les structures de jeu durant les parties.
Dans ma structure d’exploration d’hexagones, par exemple, les joueur.euses doivent choisir leur mode de déplacement :
- Normal : pas de modificateurs
- Pressé : augmente le DD (Degré de Difficulté) des jets de navigation
- Prudent : se fait aux trois quarts de la vitesse normale, le DD des jets de navigation sont réduits et les chances de rencontres non-liées à l'exploration sont divisées par deux
- Exploration : les PJ se déplacent à la moitié de la vitesse normale et les chances de rencontres sont doublées [ils cherchent à rencontrer des gens, monstres ou animaux (NdT)].
Pendant une douzaine de sessions environ, j’ai gardé cette structure cachée des joueur.euses. À la place, j’ai appliqué le mode de déplacement approprié en fonction des actions qu’iels proposaient. Par exemple, s’ils disaient qu’ils allaient commencer à se déplacer avec précaution dans les bois afin d’éviter de rencontrer l’un des groupes de guerriers orcs à leur recherche, alors je les plaçais dans le mode de déplacement « Prudent ».
Mais j’ai fini par conclure qu’il était plus logique d’en faire une structure connue des joueur.euses. Premièrement, parce qu’iels supposaient – en l’absence d’informations supplémentaires – que ce type de décision n’était pas pertinent dans la structure de jeu que j’utilisais. Et à cause de cette présomption, iels ont cessé de me donner les indices dont je me servais pour déterminer les modes de déplacement). Deuxièmement, parce que le choix d’un mode de déplacement avait un impact significatif sur l’efficacité de la navigation dans le système. Leur cacher cette structure les rendait en fait moins compétents que leurs personnages.
Vous pouvez voir un principe similaire dans le débat familier sur la question de savoir si les MJ doivent ou non indiquer à leurs joueur.euses le DD pour un jet d’attaque. Je pense qu’il ne faut le cacher que si cela reflète un manque d’information du côté du personnage.
Sinon, fournir le DD est le moyen le plus rapide de surmonter la grande différence d'amplitude entre la perception du monde qui entoure le personnage, et la perception de ce monde par la joueuse. Par exemple, un personnage se tenant devant un gouffre peut en fait voir le gouffre. La joueuse, quant à elle, est complètement dépendante de la communication orale du MJ.
Mais je m’écarte du sujet.
Comme dernier point à prendre en considération dans les structures connues des joueur.euses, il faut considérer le premier point de contact avec ces structures. Comme l'écrit Steve Darlington décrit dans Règles : quel est votre premier point de contact ? ptgptb :
Pour le meilleur ou pour le pire, la plupart des JdR se partagent entre des périodes freeform [gérées par les dialogues et arbitrage du MJ, sans règles (NdT)] et des moments plus structurés, et c’est vraiment une bonne idée de réfléchir à la façon dont ces derniers commencent. […]
Le premier lancer de dé implique une grande attention au cours d’une partie car c’est un instant de rupture. C’est le moment où vous commencez à vous concentrer et celui de votre premier point de contact avec les règles. Il apparaît dans votre esprit et hurle « c’est important, là ». De sorte qu’il n’est plus important de savoir quel est votre mécanisme principal, car votre premier lancer focalise davantage l’attention. […]
Cela vaut donc le coup de vous assurer que votre premier contact est bel et bien important par rapport au type de partie que vous voulez mener. Dans Smallville, votre premier lancer de dé est votre Valeur : ce en quoi vous croyez, et pourquoi vous croyez à cette lutte. Dans Marvel Super-Heroes, c’est le type d’équipe à laquelle vous appartenez : si vous êtes une personne qui réussit mieux dans une équipe, avec un acolyte ou seul. Nous avons donc là quelque chose d’essentiel à la dynamique à long terme de Marvel.
Quel est votre premier point de contact [avec un jeu de rôle] ? Dans tous les sens du terme ?
En conclusion
Ce fut une très longue série d’essais. Elle aborde un grand nombre de sujets différents (ce qui n’est peut-être pas surprenant, étant donné que le sujet est au cœur de pratiquement tous les moments passés à votre table de jeu). Mais si vous n’y gagnez absolument rien d’autre, j’espère que vous pourrez en retirer deux points importants :
Premièrement, je pense que beaucoup des scénarios linéaires et dirigistes que nous lisons dans les JdR sont le résultat de MJ ayant un ensemble d’outils limité (ou inexistant). Souvent, je pense qu’ils ou elles ne se rendent même pas compte que ce type d’outils existe. Mais.ils.existent.bien 3xptgptb+alexandrian et n’ont rien de complexe ou de mystérieux. Une fois que vous savez qu’ils existent, ils ne sont même pas particulièrement difficiles à maîtriser.
Deuxièmement, si vous êtes un ou une MJ, je pense qu’il vous sera très utile de réfléchir consciemment aux structures de jeu que vous utilisez : Innovez. Expérimentez. Créez. Partagez. Testez.
Pour moi, l’un des aspects les plus excitant du mouvement Old School Renaissance wiki (3) a été son rôle dans la redécouverte de structures de jeu très efficaces qui avaient été grandement oubliées par la communauté rôliste traditionnelle. Au cours des dernières années, nous avons vu combien de créativité nouvelle et de mécanismes originaux peuvent être générés en exploitant une structure de jeu robuste comme l’exploration d’hexagones, qui est restée en sommeil pendant des années.
Mais je pense que cela ne fait qu’effleurer la surface. Si nous parvenons à faire sortir de l’exploration d’hexagones des choses comme [la campagne] Carcosa grog [pour Lamentations of the Flame Princess grog (NdT)], [la campagne/univers] Points of Light pour D&D 4 grog et [la campagne] Kingmaker grog [pour Pathfinder grog], qu’avons-nous manqué d’autre ?
Les structures de jeu sont simplement des clés forgées de façon très élaborée. Ce qui est vraiment intéressant, c’est ce qui se trouve au-delà des portes que ces clés ouvrent.
Sélection de commentaires
Strongbif
J’ai trouvé ces articles en essayant de diagnostiquer mes problèmes de fonctionnement de Dungeon World grog, étant donné que je suis assez bon pour mener des parties d’Apocalypse World grog. Je pense que tu m’as indiqué la réponse.
Dans Apocalypse World, la structure de jeu implicite est presque sans équivoque et intégrée dans presque toutes les règles :
- Objectif par défaut : maintenir (votre vie|vos ressources|vos idéaux)
- Action par défaut : répondre à une situation d’urgence
Il s’avère que je suis instinctivement doué pour cette structure de jeu parce que j’adore préparer des catastrophes.
Il s’avère également que je me débrouille mal avec la structure de jeu d’exploration de donjon, que je connais peu (ma progression en matière de maitrise de jeu est d'aller de 7ᵉ Mer grog à Deadlands grog à Savage Worlds grog puis Apocalypse World). Je lutte constamment contre mon instinct de mener Dungeon World comme Apocalypse World, et le système de règles semble me gêner aussi, ou alors je l'utilise mal.
Je dois donc maintenant discerner ou créer une structure de jeu qui corresponde mieux à Dungeon World pour moi et mes joueur.euses, et je ne me sens pas à la hauteur de la tâche. Mais tu m’as donné un point de départ, alors merci.
- Objectif par défaut : préserver la vie des derniers réfugiés de la Ville Lumineuse.
- Action par défaut : enquêter sur une menace interne ou faire face à une menace externe. (???)
Jordan
Super série, Justin. Je viens de la relire dans son intégralité, et je me suis rendu compte de l’une des raisons pour lesquelles Kevin Crawford grog produit du si bon travail : ils sont généralement livrés avec des structures de jeu qui sont intégrées verticalement.
Je prépare une partie de Stars without Numbers grog, et les règles du livre de base couvrent ce qu’on attend d’un jeu de rôles OSR dans l’espace : compétences, combat, vaisseaux, piratage, commerce de base, etc. Pour le MJ, il y a des vraies structures pour construire des mondes/races/sociétés aliens qui donnent de vraies aventures. La gestion des "tours" des factions est toute une structure qui fournit des aventures intégrées. C’est fantastique.
Mais Kevin écrit aussi des suppléments, et la plupart d’entre eux donnent de nouvelles structures pour consolider des types de parties précis. Vous voulez que les PJ dirigent une agence d’espionnage ? Le supplément Darkness Visible fournit une structure assez complexe, connue des joueurs, pour en gérer une qui permet aussi de partir à l’aventure. Des marchands de l’espace ? Le supplément Suns of Gold. Enquête cyberpunk ? Polychrome. Marines spatiales ? Skyward Steel. Armées planétaires ? Starvation Cheap. Il fournit même les outils au MJ pour consolider la bonne vieille structure d’exploration de donjon.
Ce n’est pas parfait ou toujours complet ; la création d’aventures offre généralement beaucoup de conseils solides et d'aides de jeu, mais ne donne pas de structure précise au MJ pour l'aider à mener différents types de scènes à la table. Mais c’est un fantastique trésor d’exemples, je pense.
(Désolé si ce commentaire ressemble à de la pub. Ce n’est pas le cas, je suis juste excité)
Article original : Game Structures – Part 16: Player-Known and Unknown Scenario Structures
(1) NdT : En dehors du combat, les scènes d’enquête ou d’intrigue sont gérées à l’aide des compétences génériques et d’un système appelé défi de compétences : les joueurs et les joueuses sont invités à utiliser de manière créative leurs compétences génériques pour faire avancer l’intrigue. Un certain nombre de compétences-clés définies dans le défi doivent être utilisées avec succès pour que l’intrigue avance. [Retour]
(2) NdT : Le JdR Unknow Armies propose cette expérience de jeu. [Retour]
(3) NdT : le mouvement des Jeux de Rôles OSR (Old-School Roleplaying) cherche à reproduire, dans la limite de ce qui est autorisé par les droits d'auteur, l'expérience de JdR anciens, surtout la première édition de D&D. [Retour]
Mention légale importante
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